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ELEMENTS D'EXPLICATION DE LA CRISE DU CCI

Nous présentons ici un texte qui reprend l'essentiel de la présentation orale de la crise du CCI que nous avons faite lors de notre réunion avec le BIPR. Bien évidemment, cette présentation n'a pas la prétention d'être exhaustive et de donner tous les éléments de la crise. Néanmoins, elle permettra, nous semble-t-il, aux lecteurs et aux militants expérimentés et avertis des questions organisationnelles et de la vie même d'une organisation de se faire une idée sur le processus qui a gagné le CCI et comment une telle crise a pu surgir aussi brutalement. Et elle devrait permettre aux lecteurs non-avertis, sans expérience organisationnelle, de cerner quelles sont les divergences politiques de fond qui sont derrière cette crise et, s'il en a l'intention et l'intérêt politique, de rentrer par la suite un peu plus dans les détails mêmes de cette crise afin d'en tirer le maximum de leçons politiques. Il ne sera pas dit que le CCI n'est que l'objet d'une lutte de chefs aspirant au pouvoir et à l'héritage d'un vieux militant aujourd'hui disparu. Ces aspects médiocres et sordides peuvent exister, et existent dans ce type de crise. Et ils existent aujourd'hui parmi certains militants du CCI qui aspirent et se revendiquent comme les derniers et seuls "membres fondateurs". Malgré cela, il est des leçons et des acquis principiels et politiques, dans ce cas en matière organisationnelle, qu'il nous appartient de dégager et de tirer, ou à tout le moins, de faciliter et de permettre la réalisation sinon pour nous-mêmes, au moins pour les autres groupes et éléments révolutionnaires tout comme pour les nouvelles générations de militants communistes.

1) La signification politique du combat organisationnel de 1993-1996

La crise organisationnelle et le combat politique qu'a connus le CCI de 1993 à 1996 a marqué une étape importante dans sa vie et son évolution. Il est possible de résumer cette lutte politique par le combat contre le maintien d'un esprit de cercle dans l'organisation et pour un véritable militantisme communiste. La leçon politique principale de la lutte contre l'esprit de cercle a été que l'affinitaire, les rapports personnels de tout ordre ne devaient pas prédominer sur les rapports politiques entre militants communistes, et surtout ne pas déterminer leur positionnement politique. Cet acquis politique a des implications organisationnelles concrètes et multiples dans les rapports entre militants et dans le fonctionnement d'une organisation révolutionnaire.

Parmi d'autres questions, le CCI avait alors combattu la vision, la pratique et la théorisation du "militantisme intégral". C'est-à-dire d'une conception du militantisme communiste dans laquelle la dimension militante et la –ou les– dimension personnelle (familiale, amicale, amoureuse, professionnelle, passionnelle, matérielle, financière, etc…) n'était pas distinguée, mais "fusionnée". Cette conception, et surtout cette "pratique" du militantisme a pour conséquence in fine de réduire toute la dimension personnelle à la dimension militante, voire de nier la dimension personnelle au profit de la seule dimension militante avec le sacrifice de la première "au profit" de la seconde appréhendée comme une catégorie absolue. En "fusionnant", en identifiant, voire en rejetant la vie personnelle au profit de la vie militante, le "militantisme intégral" rejette à la fois l'unité et la distinction des deux dimensions en tendant à supprimer l'une des deux, la vie personnelle. Il est l'opposé complémentaire, une des faces de la même pièce de monnaie, de la même incompréhension, du même dualisme idéaliste, que celui du dilettantisme militant qui lui aussi sépare les deux dimensions en privilégiant la dimension personnelle au détriment de l'engagement militant. Cette vision du militantisme intégral avait été particulièrement portée par des militants qui ont formé ce que le CCI a appelé alors le "clan-pavillon".

Mais ils n'en étaient pas les seuls porteurs et depuis lors cette question a été de nouveau combattue en diverses occasions, et sous différentes formes, tout au long des années 1990. Le combat contre le militantisme intégral a été un des axes principaux des rapports d'activités proposés et adoptés à l'unanimité des militants par les 12e et 13e congrès internationaux du CCI (1997 et 1999) justement parce que les difficultés et les confusions qui s'y rattachaient, continuaient à se manifester et à entraver le fonctionnement du CCI ; à mettre en péril l'engagement communiste des militants – et l'"équilibre" de leur vie personnelle - qui en étaient affectés et la qualité des rapports et du fonctionnement des différentes sections territoriales et locales, en particulier la confiance et la solidarité entre militants, et de ceux-ci envers l'organisation comme un tout.

Nous ne pouvons dans le cadre de cette contribution aborder tous les aspects concrets de cette question d'autant qu'ils sont en grande partie déterminés par les différentes périodes historiques dans lesquelles l'action communiste se développe, et en particulier par le rapport de forces entre les classes, par la mobilisation et l'intervention ou non des grandes masses ouvrières. Les conditions du militantisme et des organisations communistes ne sont pas les mêmes, et n'influent pas de la même manière selon les périodes : organisations de masse de la fin du 19e siècle ; organisations de masse de la vague révolutionnaire de 1917 à 1923 ; organisations réduites et minoritaires, à contre-courant des années 1930-1940 en butte à la répression, et minorités révolutionnaires depuis 1968 dans une période de "démocratie bourgeoise" sans répression ouverte – sauf quelques rares exceptions.

Il n'en reste pas moins que les grands principes restent valables quelle que soit la période historique :

"Le communisme est pour notre saint [Max Stirner] proprement incompréhensible, parce que les communistes, loin de prôner l'égoïsme contre le dévouement, ou le dévouement contre l'égoïsme, loin de prendre cette contradiction sur le plan théorique, transcendantale, démontrent au contraire son origine matérielle, ce qui la fait du même coup disparaître. Les communistes ne prêchent d'ailleurs pas de morale du tout, ce que Stirner, lui, fait le plus largement du monde. Ils ne posent pas aux hommes d'exigence morale : aimez-vous les uns les autres, ne soyez pas égoïstes, etc. ; ils savent fort bien au contraire que l'égoïsme tout autant que le dévouement est une des formes et, dans certaines conditions, une forme nécessaire de l'affirmation des individus. Les communistes ne veulent donc nullement, comme saint Max le croit (…) abolir l'«homme privé» au profit de l'homme «général», l'homme qui se sacrifie (…). Les communistes théoriciens, les seuls qui aient le temps de s'occuper de l'histoire, se distinguent justement par le fait qu'eux seuls ont découvert comment à travers toute l'histoire les individus, en tant qu'«hommes privés», ont été à l'origine de l'«intérêt général». Ils savent que cette contradiction n'est qu'apparente, puisqu'un des aspects de l'intérêt dit «général» est sans cesse produit par l'autre, l'intérêt privé, et ne constitue en aucune façon, face à ce dernier, une puissance autonome ayant son histoire autonome ; donc, dans la pratique, cette contradiction s'annihile et s'engendre continuellement" (Karl Marx, L'idéologie allemande, Le concile de Leipzig-III. Saint Max, Editions sociales, p.244-245).

2) Après 1996, deux tendances diffuses, non définies, non cristallisées, mais bien réelles

En fait, il convient de reconnaître aujourd'hui que, depuis 1996, et sans doute dès 1993, deux compréhensions et deux tendances politiques ont émergé de la crise et du combat contre les conceptions cristallisées dans le "clan-pavillon" ( ) au sein du CCI. Ces deux tendances, et l'oscillation entre ces deux tendances ont été constantes depuis lors jusqu'au 14e congrès international (mai 2001).

Malheureusement, elles ont été sous-estimées, ignorées, étouffées, escamotées, cachées, essentiellement – même si pas uniquement – par aveuglement politique, par manque de rigueur politique, par oubli ou ignorance de l'histoire du mouvement ouvrier, en particulier de l'expérience des oppositions et des fractions de Gauche issues de la 3e Internationale, par souci de l'unité de l'organisation, en fait de l'unité formelle et non politique, par immersion sans recul dans le travail "régulier" amenant à une certaine forme de fonctionnarisme et de routinisme. La faute en incombe à l'ensemble de l'organisation, et évidemment au premier chef à ses organes centraux d'alors, au premier chef le Bureau international et son Secrétariat international établi à Paris. Alors que les orientations adoptées de 1996 à 2001 fournissaient le cadre pour poser ces questions, les discuter, les débattre, et les dépasser, l'ensemble du CCI et ses organes centraux ont été atteints - nous avons été atteints - d'un mal politique que le mouvement ouvrier connaît bien : le centrisme. C'est-à-dire d'un esprit de conciliation, d'unité formelle, et d'une hésitation coupable pour engager le combat politique contre des manifestations, aussi minorées étaient-elles, d'opportunisme politique en matière d'organisation et de militantisme.

Pour beaucoup d'éléments et de groupes du Milieu Politique Prolétarien, dont le BIPR (cf. l’article « Eléments de réflexion sur les crises du CCI » publié par le BIPR et repris dans notre bulletin n°7), cette crise de 93 et le résultat de cette crise, ont été vu et compris, encore aujourd'hui, comme un un repli sectaire du CCI tant au point de vue externe qu'interne. Il est vrai que des éléments du combat de 1993 et de la politique qui a suivi ont pu laisser apparaître une telle tendance. Et il nous appartiendra, comme fraction du CCI, de revenir sur cette considération. Il est en tout cas certain que des nuances, pour ne pas dire des sensibilités contradictoires, se sont exprimées sur le sujet tout au long de ces années, en particulier sur la politique à mener vis-à-vis des groupes communistes, des contacts et sympathisants, et y compris vis-à-vis des éléments et des "personnalités" de ce milieu. Mais la discussion de cette question et de ces divergences, comme beaucoup d'autres, n'a pu se mener. A vrai dire, comme nous aurons l'occasion de le montrer dans d'autres contributions, il y a eu un refus, parfois tout à fait conscient, de poser les termes de débats contradictoires et de défendre ouvertement leurs divergences de la part de certains militants. On peut même affirmer aujourd'hui qu'à partir au moins de 1999, une politique d'opposition à la discussion ouverte des nuances, ou des divergences, vis-à-vis des orientations pourtant adoptées à l'unanimité a été sciemment menée. Cette volonté de passer sous silence les désaccords qui existaient avec la politique formellement unanime a d'une part saboté la mise en pratique de cette orientation et créer un climat délétère dans certaines parties de l'organisation (dans les organes centraux parisiens au premier chef, et en section de Paris), et d'autre part a privé le CCI, ses militants, et par conséquent l'ensemble du MPP, de débats politiques de première importance. Ce deuxième aspect est encore beaucoup plus grave et plus lourd de conséquences que le premier. Même si ce refus de défendre ses positions politiques ouvertement pose déjà en soi la question de certaines attitudes militantes, voire de certains comportements, il faut en tout premier lieu souligner la faiblesse et l'impuissance du CCI comme un tout, et en particulier de ses organes centraux de l'époque, à poser les termes de débats politiques contradictoires. C'est une lourde faute et erreur de la part de l'ensemble du CCI, et particulièrement de ses anciens organes centraux (dont nombre de militants de la fraction faisaient partie). Nous prenons donc aussi cette faiblesse et faute politique à notre compte. Cela a fini par avoir des conséquences dramatiques.

Même si certains militants ont fini par être les porteurs de l'une des deux tendances ou compréhensions, et même si la deuxième tendance que nous allons définir par la suite a été portée de fait depuis un certain temps (depuis 1996 pour le moins) par un ou deux militants d’organe central, sans que ceux-ci assument ouvertement les termes d'un débat ouvert, il convient de préciser qu'aucune tendance n'était clairement définie, ni cristallisée, dans les militants en général. Il est clair qu'à une ou deux exceptions près – une pour le moins ne fait aucun doute -, les uns et les autres ont pu exprimer telle ou telle tendance selon les circonstances. Cela fait partie de la vie, des débats et de l'élaboration politiques collectives d'une organisation communiste, tout comme d'ailleurs les débats contradictoires.

Cette deuxième tendance s'est exprimée particulièrement avec une vision qui tendait à considérer en toute occasion le phénomène de la décomposition comme dominant et déterminant tous les aspects, tous les moments, et toutes les dimensions de la situation historique actuelle de manière absolue avec une démarche à nouveau idéaliste tournant le dos à la méthode marxiste. En particulier, elle s'est exprimée dans une vision particulièrement pessimiste et défaitiste de l'organisation et du militantisme communiste. Avec deux conséquences particulières parmi d'autres :

- une tendance au militantisme intégral et à la séparation et à l'opposition de la vie militante et de la vie personnelle – ce n'est pas un hasard si les militants aujourd'hui les plus déterminés dans la politique actuelle depuis le 14e congrès contre le "clan-pavillon-bis" selon la brillante théorie actuelle du CCI – clan-pavillon-bis constitué par une bande de jaloux de l'affection particulière qu'aurait eue le camarade MC mort depuis plus de dix ans maintenant à l'égard d'un militant ! - sont en général ceux-là même qui avaient été régulièrement affectés par ce mal qui revient en force et prédomine maintenant sans contrepoids dans le CCI ;

- et d'autre part, comme corollaire de l'aspect précédent, une tendance au repli sectaire, à l'esprit de forteresse assiégée contre un monde hostile constitué de parasites ou de groupes influencés en permanence par le parasitisme tant au plan externe – dans les rapports avec les groupes et sympathisants du MPP (cf. le compte rendu délirant de la RP du 4 mai dans RI 324) – qu'au plan interne comme chacun peut s'en apercevoir avec le traitement hostile et d'exclusion des militants de notre fraction. Là-aussi ce mal sectaire se développe d'autant plus que n'existe plus (1) de contrepoids depuis l'élimination des opposants - démission des uns, capitulation politique des autres au nom de l'unité de l'organisation, et exclusion des membres de la fraction.

Pourtant, de 1996 à 2001, les rapports et les résolutions d'activités des congrès du CCI (12e et 13e), des réunions semestrielles de son Bureau International, organe central entre deux congrès, des congrès et conférences des sections territoriales, s'inscrivaient sans ambiguïté dans le cadre des acquis et des leçons du combat de 1993 et de 1996, tout comme des combats précédents dont celui des années 1985-1986 dont un des axes, avec et complémentaire avec celui sur le militantisme communiste et la construction d'une organisation militante, était "l'ouverture". Ouverture envers les nouveaux éléments de par le monde se dégageant et rompant avec le gauchisme, en recherche de clarification politique et de cohérence militante, s'orientant vers les groupes de la Gauche communiste ; envers le MPP, et particulièrement le BIPR ; et en appui direct, comme condition du succès de cette "ouverture", c'est-à-dire sans tomber dans l'immédiatisme, ni dans l'illusion des "succès" immédiats, l'approfondissement et les débats théorico-politiques tant en interne qu'au plan externe ; suivi, discussion, analyse de, et intervention dans, la situation historique actuelle tant au plan international qu'au plan immédiat et local ; enfin, comme condition pour le regroupement – au sens large – et l'intégration de nouvelles forces militantes, renforcement du cadre organisationnel en particulier par le développement de la confiance et de la solidarité entre les militants de l'organisation et de ceux-ci dans l'organisation – combat qui comme nous l'avons déjà signalé passait par la critique et l'abandon des visions et pratiques liées au "militantisme intégral", ou à toute dérive mystique, sacrificielle, du militantisme(2) .

Ces orientations ont rencontré une résistance sourde – qui, encore une fois, ne suffit pas pour expliquer l'incapacité du CCI à les mettre en ?uvre – qui s'est cristallisée au sein du secrétariat de l'organe central de la section territoriale en France, le SE de RI, qui a eu tendance tout au long de ces années à se méfier et à s'opposer au BI et au SI du CCI (3) . Cependant, comme nous l'avons mentionné plus haut, le SI lui-même était aussi traversé par ces nuances – tout à fait normales dans la vie d'une organisation révolutionnaire qui n'est pas sclérosée – qui n'étaient pas particulièrement portées par tel ou tel de ses membres, mais partagées et exprimées un peu par tous, et discutées et combattues un peu par tous.

3) La résistance sourde de l'opportunisme et sa politique secrète et parallèle

La résistance sourde à la mise en ?uvre des orientations du CCI a été le fait d'un tout petit nombre de militants, trois, liés par des liens familiaux (de couple) et amicaux étroits. Ces militants aux responsabilités très importantes (SE et SI) et à l'autorité politique incontestable ont fini par cristalliser, "synthétiser", les difficultés du militantisme auxquelles le CCI était confronté un peu partout dans ses sections. En particulier, et de leur propre avis, courriers, textes et même prises de position à l'époque, ils étaient affectés par le "militantisme intégral" avec, de par leur responsabilité de premier plan dans l'organisation, des conséquences négatives graves sur le travail même des organes centraux (4) et des problèmes personnels et familiaux dramatiques. Bien qu'entamée et posée dans les années antérieures, ces difficultés particulières sont devenues un point central que le CCI ne pouvait ignorer, ni laisser de côté. Déjà en 1999, le rapport d'activités pour le 13e congrès du CCI est obligé de traiter de manière centrale cette question – en lien évidemment avec des questions plus "larges". Il est alors de plus en plus clair que ces militants vont devoir revenir sur leur "militantisme au quotidien" et faire des choix politiques, militants, voire personnels, douloureux ; s'ils ne veulent pas anéantir à la fois leur vie personnelle et leur vie militante. Si formellement, ils acceptent les critiques, dans les faits ils vont traîner des pieds, puis s'opposer à la politique mise en ?uvre.

Leur résistance s'est manifestée dans leur refus de poser ouvertement les différentes "nuances" politiques dont nous avons parlées et dont ils commençaient à se faire les porteurs spécifiques. A chaque fois que les "nuances" de ces militants apparaissent comme telles, comme divergences à discuter, à débattre, ils vont à chaque fois retirer leur position, réaffirmer leur accord avec la position "majoritaire" et nier qu'il s'agit de désaccords. Les exemples sont nombreux au point que de 1999 à 2001, cette situation a créé une incompréhension et un malaise croissant dans l'organisation, en particulier au sein de sa section en France. Exemple concret parmi d'autres : le projet de rapport d'activités pour le 14e congrès (printemps 2000) de RI, la section en France, est discuté et il lui est reproché de tendre à développer une vision particulièrement défaitiste du militantisme communiste dans la période historique actuelle, au nom de l'omniprésence du phénomène de la décomposition. Ce débat aurait dû être mené ouvertement et il faisait, et il fait toujours, partie d'un réel débat et d'une vraie question à clarifier au sein du milieu communiste. Au lieu de cela, le militant responsable de ce rapport refuse de le présenter, de défendre ses positions, et reste silencieux et boudeur durant tout le congrès.

Parallèlement à cela, la situation personnelle dramatique de ces militants parisiens, et tout spécialement du couple qui est en crise permanente envahit et entrave le travail et la vie même du SI et du SE. En fait, et pour résumer, la militante a pris en otage depuis déjà un certain temps l'organisation pour régler ses questions familiales et en particulier elle exerce un chantage permanent à la démission de l'organisation si celle-ci ne met pas un terme aux manquements militants et familiaux – selon elle - de son compagnon (Pr). La situation de crise aiguë du couple de militants atteint son paroxysme à l'été 1999. Le SI et le SE se trouvent alors pris entre la nécessité de sauver des militants aux responsabilités très importantes et des camarades s'autodétruisant au plan personnel d'une part, et la nécessité de faire vivre et fonctionner l'organisation comme un tout. Ils sont donc amenés à intervenir dans la vie du couple qui va alors… se "réconcilier" sur le dos des organes centraux et particulièrement contre le SI.

A partir de là, sinon bien avant, va commencer une campagne secrète contre le SI et ses membres élaborée lors de discussions privées, parallèles et secrètes  - qui seront reconnues et justifiées par la suite par l'un d'entre eux, Br dès mars 2000 dans le SE - d'abord entre les deux membres du SE, puis par la suite avec le compagnon, le mari, membre du SI. Cette campagne va se dérouler dans les couloirs et les repas amicaux et familiaux. Elle est faite de dénigrements, de mensonges, de calomnies de toute sorte des membres du SI et du SE auprès des militants les plus proches, puis dans un cercle plus large. Mais jamais dans le cadre organisationnel. Sans jamais poser les dénigrements et les accusations de militants ouvertement, face à l'ensemble de l'organisation, ou pour le moins dans le SI et le SE et face aux militants calomniés. En particulier, le camarade Mi membre du SI est particulièrement attaqué et discrédité et lui-aussi, tout comme le camarade RV (Ad) démissionnaire en 1996, il fait partie des vieux militants "fondateurs" de RI en 1968 et du CCI (tout comme le camarade Jonas qui vient d'être exclus) avec… Pr. En fait, et nous le savons aujourd'hui, ces campagnes contre le camarade Mi remontent au moins à 1996, et sans doute à 1993, voire bien avant. Tout comme d'ailleurs remonte au moins à 1993, voire là-aussi bien avant, une politique de discrédit puis d'élimination des plus vieux militants qui peuvent apparaître comme "fondateurs" et dont personne n'a jamais eu vraiment cure sauf justement certains éléments dans le passé dont la compagne de Pr. Nous revenons dans notre Historique du SI sur tous les détails de ce processus de destruction, car c'est de cela dont il s'agit, de militants connus et respectés. Ces calomnies et ces dénigrements dans les couloirs n'hésitent pas à utiliser les difficultés personnelles de tout ordre des militants, et particulièrement les difficultés sentimentales et de couple d'autres militants comme le montrent clairement les notes du SI et du SE de ces années ainsi que des correspondances de militants à qui ces ragots et "commentaires" étaient faits. Nous ne pouvons bien évidemment entrer ici dans tous ces détails sordides, mais dont il faut néanmoins garder trace pour les expériences organisationnelles et les générations futures. C'est la raison d'être de notre travail de fraction sur l'Historique du SI. Obligé de réfuter les calomnies, "en répondant à Vogt, j'ai dû par-çi, par-là découvrir une «partie honteuse» de l'histoire de l'émigration [c'est-à-dire des militants en exil de l'époque]. Ce faisant, j'use tout simplement du droit de légitime défense" (Karl Marx, sa brochure sur Herr Vogt, Avant-propos, 1860). Les calomnies contre la fraction sont maintenant ouvertement lancées publiquement tout comme les mensonges sur l'origine de la crise du CCI. Nous sommes à notre tour obligés de démentir les propos du CCI actuel qui ne fait remonter l'origine de la crise actuelle qu'au 14e congrès du CCI en mai 2001. En fait, la période qui s'ouvre après ce congrès n'est que la dernière phase, l'issue ultime jusqu'à notre exclusion, de la crise du CCI qui remonte, elle, depuis bien plus longtemps au moins depuis 1999. En fait, le CCI solde le combat de 1993 et liquide les avancées qu'il avait connues alors en revenant aux pratiques mêmes – esprit de cercle, de famille ; prédominance des liens affinitaires, familiaux, sur les relations politiques ; pratiques secrètes et parallèles à la vie même de l'organisation – de ce qu'il avait critiqué dans le "clan-pavillon" !

4) La trahison des acquis et de la méthode organisationnelle du CCI

Ce texte n'a pas pour objet de revenir sur tous les détails. Allons à l'essentiel. En janvier 2001, les trois militants-résistants demandent à être entendus sur leurs difficultés personnelles par une délégation de membres du BI qu'ils proposent eux-mêmes. Parmi les trois délégués, se trouvent deux amis du couple dont un est déjà convaincu suite à des discussions particulières, secrètes, sur l'existence d'une volonté clanique au sein du SI de vouloir le discrédit des trois militants et la séparation du couple ; et dont l'autre est intimement lié au couple puisqu'il a directement participé aux différentes crises du couple et qu'il a même jusqu'à été prendre partie pour l'un contre l'autre lors des traditionnelles vacances d'été en commun. Très rapidement cette délégation pour écouter les difficultés personnelles des camarades va se transformer en Commission d'Investigation (CI) – ce qui ne sera officialisé qu'au 14e congrès – sur l'existence d'un "clan-pavillon-bis" au sein du SI dont le guru serait le camarade Mi au comportement stalinien et qui cherche le discrédit de Pr. Et dont les autres membres auraient depuis toujours été jaloux de l'affection particulière de MC à l'attention de Pr et donc prendrait leur revanche. Certes, la construction d'une organisation révolutionnaire ne passe pas par ce type de vision et de considérations. Malheureusement, la destruction d'une organisation révolutionnaire et de militants passe par l'usage de ce type de considérations psychologiques dont la qualité et la haute valeur scientifique n'échapperont à personne… et dont l'efficacité est redoutable comme le souligne Victor Serge.

En fait, et contrairement à l'expérience de 1993 où la question du "clan" avait été posée et discutée ouvertement devant toute l'organisation ce qui avait permis à l'ensemble des militants de se positionner en connaissance de cause et surtout à l'ensemble de l'organisation de prendre en charge cette discussion et ce combat, cette fois le refus d'ouvrir ces questions devant tout le CCI et l'existence d'une commission particulière censée traiter tout cela en son sein et dans le plus grand secret, sont justifiés à la fois par des questions "personnelles délicates", en fait déjà connues de tous les militants, et par la nécessité pour le SI, le BI et l'ensemble de l'organisation de se centrer sur les questions essentielles, à savoir les orientations générales et la préparation du 14e congrès. Il en ira de même lors du 14e congrès puisqu'on demandera à celui-ci de "faire confiance" à la CI et de ne pas traiter cette question délicate et "secondaire", ni même d'aborder la question du supposé-clan dont il ne saura ce qu'il recouvre, ni quels militants sont accusés de clanisme. Pourtant le congrès est l'organe souverain, la plus haute instance d'une organisation révolutionnaire (comme le défend Lénine dans Un pas en avant, deux pas en arrière) et une de ses responsabilités essentielles est de nommer l'organe central du CCI, son BI et son SI. Ce même SI dont tous les membres sont accusés de clanisme, "le pire des clans". Ils vont tous –même Jonas pas encore démissionnaire mais dont la santé est très affaiblie- être renommés lors du congrès qui ne saura rien de l'accusation grave qui est faite contre eux. En toute logique, ce SI maléfique n'aurait pas dû être reconduit. C'est d'ailleurs ce que défend sa majorité dont la proposition de nommer un autre SI, hors de Paris, est repoussée par ceux-là même qui l'accusent d'être le "clan le plus destructeur" avide de pouvoir. Curieux clan et curieux militants haineux et avides de pouvoir pour régler leur compte que ceux-ci qui proposent de nommer un autre organe central afin de préserver l'unité et la centralisation effective de l'organisation. Par la suite, il sera dit qu'il s'agissait là d'un chantage… Toujours est-il que le congrès est tenu dans l'ignorance de ces discussions du Bureau international – statutairement inexistant durant un congrès - qui ont lieu durant des séances nocturnes. Cette manière cachée, en petit comité, de poser ce type de questions politiques est en opposition complète avec la tradition et l'expérience du CCI et de la Gauche communiste. Il suffit pour s'en convaincre de se remémorer l'attitude de la majorité de Bilan face à la minorité qui s'engage dans les milices du POUM en Espagne et donc dans la guerre impérialiste au nom de l'antifascisme en 1936 (Bilan 35). Prisonniers de l'unité du BI et du congrès, de la "discipline" du BI élaborée durant les séances nocturnes, discipline qui n'a aucune légitimité face à un congrès organe souverain, les membres du SI dont nous sommes, ainsi que d'autres membres du BI qui partagent l'opinion de la majorité du SI, vont rester silencieux devant le congrès. Une fois de plus, la maladie du centrisme a joué. Mais cette fois, c'est définitif et le sort en est jeté. L'opportunisme aura dès lors la voie libre pour développer ouvertement maintenant sa politique de liquidation principielle et politique et pour détruire toute opposition.

En fait, la théorie du "clan-pavillon-bis" majoritaire au sein du SI et du SE de 1996 à 2001 sur laquelle le congrès, organe souverain, n'a pu se prononcer, et qui sera par la suite imposé à toute l'organisation, remet en cause toute l'orientation politique menée depuis 1996 en particulier sur la question des difficultés du militantisme et particulièrement du "militantisme intégral". En effet, comment concevoir qu'une politique correcte, juste, avalisée et dont on a tiré tout au long de ces années des bilans positifs, ait pu être menée par "le pire clan que le CCI ait connu (…), par le clan le plus destructeur (…) par une secte fanatique aux méthodes nazis et staliniennes" (Différents rapports de la CI et un "Texte d'orientation" sur l'opportunisme, tous adoptés par l'ensemble du CCI aujourd'hui) ? C'est effectivement une contradiction insurmontable pour la politique opportuniste actuelle du CCI. Et c'est la raison pour laquelle elle ne peut faire remonter la crise du CCI "de son point de vue" avant le 14e congrès du CCI vis-à-vis de l'extérieur (cf. ses prises de position publique).

En interne, cette remise en cause ne peut non plus être complètement revendiquée. Elle est obligée de prendre des chemins détournés, autre caractéristique de l'opportunisme, pour avancer. Vis-à-vis des militants, en particulier parisiens, à qui l'exigence de confiance "aveugle" au nom de l'unité et de la centralisation de l'organisation ne suffisait pas à convaincre puisqu'ils avaient vécu concrètement, au quotidien, la réalité des comportements et des attitudes, elle a été obligée, soit de les soumettre en faisant capituler politiquement les militants au moyen de l'auto-accusation de sentiments claniques et d'hostilité à l'égard de nos trois militants de Paris, soit en poussant à la démission des camarades éc?urés par les calomnies et la réputation qui leur était faite, comme le camarade Mi, soit en adoptant une politique de provocations, d'accusations mensongères, et de discipline contre les militants fidèles à leurs convictions qui ne se soumettent pas et continuent le combat, discipline dont l'objet depuis le début, au moins pour certains d'entre eux, dès le 14e congrès clos, étaient l'exclusion.

Pour cela, évidemment, il a fallu battre en brèche et trahir toutes les règles de fonctionnement (la question des commissions, la question de la confiance, la question des votes, la question des sanctions, la question du droit à écrire dans les bulletins internes, la question de la prise de notes des réunions, la question de la discipline en général, le non-respect des statuts et sa théorisation) au nom de l'urgence et de l'unité de l'organisation sur le point d'exploser par les provocations mêmes de la politique systématique du scandale (telle que Bordiga lui-même l'avait dénoncée dans les années 1920 contre la politique opportuniste de bolchévisation des partis communistes).

La majorité actuelle du CCI nous accuse d'avoir constitué une fraction sans raison. Pourtant, il s'agit de défendre des principes politiques qui sont trahis et qui vont être liquidés formellement (par exemple, a été adoptée sans discussion, en catimini, en septembre 2001 la décision d'instaurer une commission d'investigation (CI) permanente, sans mandat, c'est-à-dire de fait autonome). Il s'agit de défendre des principes organisationnels et des méthodes organisationnelles qui aujourd'hui sont foulés au pied. Nous avons déjà réalisé et présenté deux rapports d'activités présentant une analyse et une orientation alternatives à celles de la majorité opportuniste actuelle (rapports qui n'ont pas été discutés, ni même votés, même s'ils ont été formellement présentés par nos soins lors des réunions plénières du Bureau international de septembre 2001 et de janvier 2002).

L'accusation de clanisme telle qu'elle est formulée aujourd'hui à base d'explications psychologiques – par ailleurs particulièrement ridicules et c'est aussi pour cela que le CCI est particulièrement discret dans ces prises de position publique sur le supposé clanisme actuel – discrédite non seulement l'actuel CCI, mais ses acquis et son expérience organisationnels de 30 ans. Et il détruit à l'avance toute idée, toute possibilité de débat politique. Tout cela est par conséquent destructeur des principes politiques qui ont fondé le CCI en matière d'organisation et que celui-ci avait développés, de l'organisation telle qu'elle existe, de sa vie politique centralisée, unie et vivante ; et des militants, surtout de ceux qui acceptent passivement, par confiance abstraite, aveugle, et contre leurs propres convictions politiques des positions, des analyses, et une politique d'exclusion et de sectarisme au nom de l'unité du CCI.

La fraction interne du CCI, 13/04/02


Notes:

(1) Qui pour se risquer d'être accusé de clanisme, ou de faiblesses à son égard, parce qu'il défendrait ouvertement une orientation opposée ?

(2) On peut faire un parallèle entre la situation de la seconde Internationale avant 1914 qui adopte à chacun de ses congrès des résolutions internationalistes contre la guerre impérialiste menaçante et qui finira par éclater, et l'adoption unanime des orientations d'activités du CCI de 1996 à 2001, qui, dans les deux cas, sont sabotées par l'opportunisme d'une part, et d'autre part que le centrisme dominant se refuse à poser et à combattre tant qu'il en est encore temps. Et à chaque fois avec des conséquences catastrophiques même si nous nous garderons bien de comparer la tragédie de la trahison de l'internationalisme par la sociale-démocratie en août 1914 d'avec la tragi-comédie – tragique pour les militants d'aujourd'hui, mais comédie quant aux "positions" défendues aujourd'hui par l'opportunisme – de la crise actuelle du CCI.

(3) Le SE a même alors reconnu avoir développé une attitude d'hostilité et de contestation du SI que certains de ses membres avaient déjà traduit en «dynamique clanique»… contre le SI, analyse que ce dernier n'avait pas partagée ; les mêmes aujourd'hui accusent le SI d'alors de clanisme contre… le SE ! Nous aurons l'occasion de mettre à disposition de ceux qui seront intéressés, certains éléments concrets qui ont vu le développement de la crise du CCI dont les racines datent au moins de 1996, voire de 1993, et qui sont réunis dans un document assez long qui constitue un Historique du SI de 1996 à 2001.

(4) Ce qui avait nécessité l'adoption de plusieurs résolutions – à l'unanimité y compris de la part de ces militants – contre des manquements organisationnels individuels par le Bureau international et même, fait exceptionnel, par un congrès.


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