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LE CCI ACTUEL, EN QUITTANT LES ENSEIGNEMENTS DE
LA GAUCHE COMMUNISTE, SOMBRE DANS L'IDEALISME

(En réponse à “ les fractions face à la question de la discipline organisationnelle ” - Revue internationale 110)

Le CCI actuel a voulu faire œuvre théorique en produisant une suite à son premier article sur les fractions paru dans sa Revue internationale 108. Le nouvel article, celui du numéro 110, s'intitule “ les fractions face à la question de la discipline organisationnelle ”.
Au premier abord, on pourrait noter les progrès apparents accomplis par la Direction du CCI suite à l'article catastrophique du numéro 108 ; le nouveau tente de répondre à celui de la Fraction (cf. son bulletin 12) en reprenant les références et les leçons que cette dernière a tirées dans ses différents bulletins. Et à une lecture rapide, nous pourrions être tentés de signer ce qui est dit sur la discipline dans une organisation communiste. En fait, cet article du numéro 110, qui cherche à palier aux déficiences politiques du premier article, n'en tape pas moins, à nouveau, à côté du sujet et il en devient caricatural.

I – Une fausse compréhension de la question de la discipline

- La discipline bourgeoise et la discipline prolétarienne.

Le nouvel article, fort justement, distingue la différence de nature entre les deux types de discipline :
“ La grande différence entre la discipline de la bourgeoisie et celle du prolétariat est la suivante : tandis que la première est une discipline imposée par une classe exploiteuse détenant tous les pouvoirs de l'appareil d'Etat afin de maintenir sa propre domination, la seconde est fondamentalement l'autodiscipline d'une classe exploitée en vue d'opposer une résistance collective à l'exploitation et finalement la renverser complètement. La discipline à laquelle le prolétariat fait appel est donc une discipline volontaire, consciente, animée par la compréhension des buts de sa lutte. Alors que la discipline bourgeoise est aveugle et répressive ”. Nous sommes entièrement d'accord avec cette distinction. Cependant, de la part de la nouvelle direction du CCI, il ne peut s'agir que d'une pétition de principe ; sa pratique s'oppose, en effet, totalement à ses dires : elle n'a jamais reconnu notre fraction ; elle a toujours écarté le débat politique en refusant de prendre en considération nos divergences (jusqu'à la censure de nos textes dans les bulletins internes de l'organisation, nous obligeant ainsi à le faire à travers nos propres bulletins) ; sa seule réponse n'a consisté qu'en des mesures « disciplinaires » contre tous les membres de la fraction allant jusqu'à leur exclusion. Ce sont bien là des pratiques de « discipline… aveugle et répressive » et non celles de « discipline volontaire, consciente… ».

- La discipline réclamée par la 'gauche' contre la 'droite' opportuniste de la Social-démocratie et la discipline stalinienne appliquée contre la 'gauche' au sein de l'IC.

Ce même article cite aussi, fort justement, l'exemple de l'opportunisme parlementaire dans la social-démocratie et le combat de la gauche pour faire respecter les décisions du parti.
“ Contre le refus par la droite opportuniste de respecter les décisions de la majorité et du congrès du parti, la gauche demanda le renforcement de la centralisation du parti, et plus particulièrement du Parteivorstand (le centre exécutif), et la subordination des fractions parlementaires au parti dans son ensemble. Il ne fait aucun doute que Rosa Luxemburg avait l'expérience de cette lutte à l'esprit lorsqu'elle répondait à Lénine sur les Questions d'organisation dans la social-démocratie russe en 1904 : 'Dans ce cas (allemand), une application plus rigoureuse de l'idée de centralisme dans la constitution et une application plus stricte de la discipline du parti peut être sans aucun doute un garde-fou utile contre le courant opportuniste (...) Une telle révision de la constitution du parti allemand est aujourd'hui devenue nécessaire. Mais dans ce cas également, la constitution du parti ne peut être considérée comme une sorte d'arme qui se suffirait à elle-même contre l'opportunisme, mais simplement comme un moyen externe au travers duquel l'influence décisive de la majorité prolétarienne-révolutionnaire actuelle pourrait s'exercer. Quand une telle majorité manque, la constitution écrite la plus rigoureuse ne peut agir à sa place' ".
Mais ce qu'il omet de dire, c'est qu'il reprend, à son compte, toute une argumentation que notre fraction a déjà mise en avant dans un texte qu'elle a fait paraître dans son bulletin n°5 (« Le régime intérieur d'une organisation communiste »). Ce texte mettait surtout en évidence que si, au 19ème siècle dans la social-démocratie, c'était la gauche qui défendait avec fermeté la discipline dans le parti contre les opportunistes qui revendiquaient une “liberté d'action”, c'est-à-dire d'avoir les mains libres pour… fricoter avec la bourgeoisie, par contre au 20ème siècle, dans le capitalisme décadent, c'est la droite dans les PC qui a été la championne de la discipline interne, comme le sont aujourd'hui nos liquidationnistes, pour pouvoir faire taire toutes les divergences, ce qui signifiait faire taire et même éliminer la gauche, c'est-à-dire la position marxiste. On constate à travers ce parallèle qu'il n'y a aucun rapport entre les 2 types de disciplines. De ce fait, au sein d'une organisation communiste digne de ce nom, on ne peut considérer et traiter de la même façon ceux qui ne respectent pas le programme politique (par exemple l'attitude des parlementaires ou du « ministérialisme » au sein de la social-démocratie) et qui remettent en question ses positions fondamentales et ceux qui poussent à la discussion théorique et politique de fond et revendiquent un débat ouvert dans le parti.

Enfin, comble de l'amnésie politique ou omission volontaire, il n'est fait aucune mention notamment de l'article fondamental Organisation et discipline communiste(1) de Bordiga sur le sujet, lequel souligne, entre autre, que la question de la discipline a toujours été utilisée contre la 'Gauche' :
"Rapportons-nous à l'histoire des partis socialistes traditionnels et de la IIe Internationale. Ces partis par le truchement des groupes opportunistes qui en avaient pris la direction, se réfugiaient dans l'ombre des principes bourgeois de démocratie et d'autonomie des différents organes, Mais cela n'empêchait évidemment pas que contre les groupes de gauche réagissant contre les tendances révisionnistes et opportunistes, on utilisait largement l'épouvantail de la discipline à l'égard de la majorité et celui de la discipline à l'égard des chefs. Qui plus est, cela devint l'expédient fondamental par lequel ces partis purent assumer, surtout lors du déclenchement de la guerre mondiale, la fonction - par laquelle ils dégénèrent - d'instrument de mobilisation idéologique et politique de la classe ouvrière pour le compte de la bourgeoisie. Les éléments de droite imposèrent une véritable dictature contre laquelle les révolutionnaires durent lutter non parce que les principes immanents de démocratie interne du parti étaient violés, ni parce que le critère de centralisation du parti de classe, revendiqué par la gauche était mis en question, mais tout simplement parce que dans là réalité concrète, il fallait combattre des forces effectivement anti-prolétariennes et anti-révolutionnaires".
Voilà ce que le CCI aurait dû citer. C'est bien évidemment ce qu'il ne fait pas car cela le gêne !

- La discipline envers le programme est fondamentale.
Ensuite, l'article du CCI poursuit par une formule fondamentale de Rosa Luxemburg dont, encore une fois, il ne tire aucune leçon : "La discipline envers le parti dans sa totalité, c'est-à-dire envers son programme, passe avant toute discipline de corps et peut seule donner sa justification à cette dernière, tout comme elle en constitue la limite naturelle". Comment la Direction actuelle du CCI peut-elle se revendiquer de cela alors qu'elle réclamait sans cesse des membres de la Fraction une “ discipline de corps ” qui ne servait qu'à détourner et à empêcher toute discussion sur les questions de fond. Toute vision de la discipline qui serait purement de "corps” ou purement organisationnelle n'a pas de sens dans une organisation politique du prolétariat ; la discipline organisationnelle ne trouve "sa justification” que dans “la discipline envers le parti dans sa totalité, c'est-à-dire envers son programme” comme le dit fort justement Rosa Luxemburg.

Enfin, l'article donne des exemples de l'utilisation de la discipline aveugle dans l'IC.
"L'année 1925 devait être l'année de la "bolchevisation" : l'Internationale était réduite au rôle d'instrument entre les mains du capitalisme d'Etat russe. Au fur et à mesure que la contre-révolution gagnait l'Internationale, la discipline prolétarienne cédait le pas devant la discipline de la trique bourgeoise".
Il reprend également, mais du bout des doigts, Bordiga : "La direction (du Parti communiste italien) s'empara de ce fait(2) et l'utilisa dans son plan d'agitation qui présentait les camarades de la Gauche comme des fractionnistes et des scissionnistes auxquels il fut interdit de se défendre et contre lesquels on obtint des votes des comités fédéraux par des pressions exercées d'en haut" (Thèses de Lyon, 1926).
Voilà bien ce qui a été fait par la Direction du CCI quand elle a utilisé la 'discipline pour la discipline' contre la fraction, la traitant de "fraction de l'infraction" et croyant faire ainsi des bons mots, comme si la lutte politique se réduisait à faire de bons mots ou des mots d'esprit ! Voilà à quoi en est réduit le CCI à cause de ses représentants actuels.

- La discipline ou la 'trique'.

Cependant, étant donné les références qu'il met en avant, on pourrait penser que l'article va conclure que, dans un débat interne, tant qu'il ne s'agit pas de questions de principes, les désaccords peuvent et doivent se régler par le débat le plus large possible.
C'est, en effet, l'unique façon de le faire valablement. Et cela est également la seule méthode même dans les cas extrêmes où des militants auraient des pratiques 'peu orthodoxes', voire inadmissibles (l'exemple de la minorité de Bilan pendant la guerre d'Espagne en 1936 en est l'exemple). La "discipline de corps" est toujours la pire des politiques. Seul le débat ouvert permet de mettre en lumière les véritables divergences politiques et de les solutionner; et même quand une organisation communiste a à faire face à des comportements ou politiques qui sont à rejeter ou à réprouver, le débat ouvert reste la méthode à privilégier. La seule discipline ne régle rien, bien au contraire elle fait tout exploser sans rien clarifier. En ce sens, l'article a raison de citer Marc Chiric dans la polémique qu'il a eue en 1946 avec le Parti Communiste Internationaliste:
"Le socialisme (...) n'est possible qu'en tant qu'acte conscient de la classe ouvrière (...) On n'apporte pas le socialisme par la trique. Non pas parce que la trique est un moyen immoral (...) mais parce que la trique ne contient pas d'élément de la conscience. (…). L'organisation et l'action concertée communistes ont uniquement pour base la conscience des militants qui les fonde. Plus grande, plus claire est cette conscience, plus forte est l'organisation, plus concertée et efficace est son action.
Lénine a, plus d'une fois, dénoncé violemment le recours à la 'discipline librement consentie', comme une trique de la bureaucratie. S'il employait le terme de discipline, il l'entendait - et il s'est maintes fois expliqué là-dessus - dans le sens de la volonté d'action organisée, basée sur la conviction révolutionnaire de chaque militant" (3).
Encore une fois, on se demande pourquoi la Direction actuelle du CCI ne tire pas toutes les implications, pour sa propre politique, des conceptions dont elle se revendique. De plus, si elle se revendique de ce que mettait en avant Marc Chirik, la moindre des choses est de le citer complètement :
"Quand on a recours à la trique – et la discipline est une trique morale – pour suppléer au manque de conscience, on tourne le dos au socialisme, on réalise les conditions du non-socialisme. C'est pourquoi nous sommes catégoriquement opposés à la violence au sein de la classe ouvrière après le triomphe de la révolution prolétarienne, et nous sommes des adversaires résolus à la discipline au sein du parti. (…) Marx, Lénine disaient : enseigner, expliquer, convaincre, "…discipline… discipline.." leur répond en écho le Comité central". (Internationalisme n° 25 août 1947)
Marc Chiric s'appuie sur les enseignements essentiels que la Gauche communiste a retiré de son combat contre la 'bolchévisation' des PC et de l'IC. Dans le même sens, Bordiga affirmait dans le discours du 23 février 1926 à l'Exécutif élargi de l'IC : "Nous ne voulons pas d'un régime de représailles permanentes qui serait la négation même de son unité (le parti) et de son homogénéité." Aujourd'hui, ceux qui dirigent le CCI se réclament en paroles de ces enseignements et les rejettent dans la pratique.

II – Les véritables enseignements de la Gauche communiste sur la question de la discipline

Nous avons montré les revendications « gratuites » contenues dans l'article de la Revue Internationale, revendications qui ont pour seul but de faire croire que le CCI d'aujourd'hui a tiré les enseignements de la Gauche communiste sur la question de la discipline organisationnelle.
Il n'en est rien ! Non seulement, comme on vient de le souligner, dans sa pratique quotidienne (notamment vis-à-vis des membres de la fraction) mais surtout par la “justification” théorique et historique qu'il essaie de donner à ces dérives en réécrivant l'histoire du mouvement ouvrier selon ses convenances, en éliminant toutes les phases qui ne lui conviennent pas parce qu'elles remettent en question sa politique. En effet, ce dernier article de la Revue Internationale occulte sciemment toute une période de l'histoire, celle qui va globalement de 1924 à 1928. et au cours de laquelle s'est mené, au sein du mouvement communiste, un combat politique d'une extrême importance et d'une grande signification. Ce combat a été celui que les gauches ont livré, à travers un travail de fraction, pour s'opposer à la dégénérescence de l'IC et des PC et dans le but de les redresser. Cela correspond à la période où une fraction se revendique et défend le corpus politique-théorique de l'organisation dont elle est issue, corpus qui est de plus en plus trahi par cette même organisation, d'où son combat pour le redressement de celle-ci. C'est de cela dont il s'agit quand, en 1926, dans la lettre qu'il adresse à Korsch, Bordiga évoque « un acheminement vers la dégénérescence du parti russe et de la dictature prolétarienne qui conduit hors du programme du marxisme révolutionnaire ». Cela montre clairement qu'un processus de dégénérescence d'une organisation révolutionnaire peut se produire hors d'une période de contre-révolution et qu'un travail de fraction en vue de son redressement est la seule réponse du point de vue des intérêts du prolétariat. Si l'organisation va jusqu'à trahir sa classe, comme cela s'est produit avec les PC dans les années 1930, alors l'objectif de la fraction change : celle-ci se doit, comme l'a fait la fraction italienne (Bilan), d'abandonner son combat en direction de l'ancienne organisation et d'axer son travail afin de servir de « pont » à la formation ultérieure d'une nouvelle organisation, en se dotant notamment d'un corpus politique-théorique nouveau et achevé. Dans sa stupide tentative de réécriture de l'histoire du mouvement ouvrier, la direction liquidationniste du CCI ne veut prendre en considération, et encore, que les fractions-pont. En éliminant tout ce qui s'est produit au cours de la 2ème moitié des années 1920, elle poursuit un double but :
- elle espère pouvoir faire croire que le CCI ne peut subir un phénomène de dégénérescence aujourd'hui ;
- elle tente de discréditer notre fraction en cherchant à la faire passer pour une fausse fraction sans réelles divergences politiques et même pour un ramassis d'ex-militants aux motivations peu avouables.
Un autre problème qu'a le CCI aujourd'hui avec l'histoire du mouvement ouvrier, notamment lorsqu'il s'agit de la question organisationnelle, c'est que celle-ci semble s'être arrêtée en 1903. Il ne cesse, en effet, d'ânonner, le plus souvent en les déformant, les leçons tirées par Lénine suite au 2ème congrès du POSDR. Tous les apports de la Gauche communiste sont particulièrement occultés et ignorés alors qu'ils sont essentiels pour les organisations politiques d'aujourd'hui. La Gauche communiste a été capable de systématiser les leçons de la dégénérescence de l'IC. Ce sont ces leçons(4) qu'il faut reprendre et ré-assimiler :

- Les leçons générales de la Gauche Communiste de France contre la méthode bureaucratique et sectaire”(5)
Le CCI se réclame normalement de la Gauche Communiste de France. Seulement voilà, ce dernier texte pseudo théorique sur la question organisationnelle occulte une des leçons essentielles que cette dernière a tiré sur le sujet. La “ Lettre à tous les militants de la Gauche communiste internationale ” (novembre 1946) pose parfaitement le problème, notamment quand elle dénonce “ la méthode sectaire et bureaucratique ” qui est parfois utilisée par “ les organismes supérieurs ” pour répondre à des “ différends ” et à des “ divergences ” qui opposent deux parties d'une même organisation :
“ Bien souvent on tente de masquer la réalité derrière des mesquineries et des questions personnelles.
Quoiqu'il en soit, il n'appartient à personne de "juger", sans examen et surtout prématurément, le différend qui oppose ces deux groupes (), même si d'autres questions que des questions politiques existaient (ce qui n'est pas le cas ici)
(6).
Les deux groupes gardent les mêmes droits. Ils sont vis-à-vis du courant tout entier une situation de fait, situation et moment qui doivent trouver une conclusion au travers d'une discussion politique du courant tout entier.
Ce n'est pas la première fois qu'une telle situation se produit, toute l'histoire du mouvement ouvrier, et ses moments les plus riches nous en apportent la preuve, n'a été qu'une continuelle confrontation de groupes et de tendances.
Il y a toujours eu trois méthodes employées pour surmonter les difficultés issues de telles situations :
1. la méthode révolutionnaire honnête et loyale,
2. la méthode de l'opportunisme,
3. la méthode sectaire et bureaucratique.
La méthode révolutionnaire consiste à porter le débat politique dans toute l'organisation et ouvertement devant le prolétariat. Partant des divergences entre deux groupes ou tendances, elle tend à élever le débat et à déterminer une atmosphère permettant une plus haute prise de conscience révolutionnaire de l'ensemble du mouvement et de la classe.
La deuxième méthode, celle de l'opportunisme, consiste à "oublier", à "passer l'éponge", à faire des chinoiseries, à tourner en rond et à camoufler le fond des débats.
La troisième méthode consiste à "juger" d'en haut par quelques éléments des organismes "supérieurs", sans permettre la vérification de se faire par l'ensemble des militants de l'organisation. Ce sont des résolutions publiées par les CC ou CE, résolutions prononçant "ad hoc" des mesures organisationnelles et disciplinaires, des exclusions administratives. En un mot, on tâche de couper le groupe visé du reste de l'organisation et cela par tous les moyens. C'était la méthode à l'honneur dans l'IC du temps de Zinoviev et de Staline.
(7)
Voilà ce qu'il nous faut défendre becs et ongles au sein des organisations révolutionnaires ! La méthode n°1 est non seulement la seule capable de régler les questions organisationnelles sans drame mais encore de pouvoir permettre d'en tirer tous les enseignements utiles pour faire progresser l'expérience du mouvement ouvrier.

- Les leçons particulières mais remarquables de Bilan sur la discipline et, les fractions et les questions financières. (1936).

La leçon d'organisation que nous administre la Gauche italienne est particulièrement brillante et montre sa nature authentiquement prolétarienne et révolutionnaire. Elle devrait être inscrite en lettres de feu dans le corpus politique-théorique de ceux qui se veulent les héritiers de la Gauche italienne. Rappelons quelques faits qui illustrent cela.
En juillet 1936, une crise éclate dans la Fraction italienne à propos de la guerre d'Espagne et notamment sur la question de l'engagement ou non de la fraction dans la lutte contre le “ pronunciamiento ” d'une partie de l'armée et du général Franco. Sous prétexte d'apporter son soutien au soulèvement populaire, en particulier aux ouvriers de Barcelone et de Madrid, une minorité de camarades décide d'aller s'enrôler dans les milices du POUM ou de la CNT. Enrico Russo dit "Candiani", membre de la Commission exécutive de la Fraction, va même diriger la brigade Lénine du POUM du fait de son grade de capitaine acquis dans l'armée italienne. La position de la minorité est de croire qu'il est possible de transformer “la guerre impérialiste en guerre civile”.
La minorité s'organise dès août 1936. Elle se regroupe à Barcelone où elle fonde une section de 26 membres et un Comité de coordination pour fédérer les minoritaires en Espagne ainsi que ceux qui sont restés en France comme Piero Coradi jusqu'à faire publier ses textes politiques dans le journal du POUM, “ La Batallà ”, affirmant même que cette organisation constitue une “ avant garde ” du prolétariat, ce qui est tout à fait contraire à la position de la fraction. Celle-ci ne considère pas le POUM comme un groupe révolutionnaire du fait de sa participation au gouvernement de la bourgeoisie catalane.
Ainsi, comme on peut le voir, que ce soit sur le plan des positions politiques ou sur le plan organisationnel, la minorité se met clairement en dehors de la fraction. Cependant, malgré cette situation, la majorité va tout faire pour qu'un réel débat politique ait lieu au sein de la fraction. Elle va passer outre aux questions de discipline pour que le grave différend politique donne lieu à un débat avec des textes ; et s'il doit y avoir une rupture, que celle-ci se fasse sur de véritables bases politiques.
C'est la raison pour laquelle elle affirme, dans sa résolution, qu'elle ne souhaite pas que la crise se solde par des problèmes “ organisatifs ” ou disciplinaires :
elle décide d'ouvrir une page entière de Prometeo à la minorité pour que cette dernière puisse développer ses divergences ;
elle est même disposée à financer l'édition d'un journal de la minorité jusqu'au congrès de la fraction.(8)
Si la majorité, dans un premier temps, a refusé de reconnaître le Comité de Coordination et surtout la section de Barcelone, très vite elle revient sur sa décision afin que les questions ne portent pas uniquement sur la discipline et les mesures “ organisatives ”. La fraction ne veut pas d'une scission prématurée et va même jusqu'à accepter certaines exigences de la minorité. Son seul souci est que les divergences se règlent dans son prochain congrès (qui doit avoir lieu fin 1936 début 1937) et non pas qu'elles aboutissent à une scission dans la confusion politique. C'est avec cette conception et cet état d'esprit que la majorité de la fraction accepte de revenir sur toute une série d'exigences statutaires. En particulier :
elle va jusqu'à décider de ne pas percevoir les cotisations des membres de la minorité ;
elle reconnaît les organes mis en place par la minorité, comme le Comité de coordination, et accepte même le vote des membres qui y ont adhéré sans être membres de la fraction italienne. Les risques, pris par la fraction, de voir la majorité basculer sont énormes mais ce sont des risques qu'elle prend volontairement afin d'aboutir à une rupture politique claire.
On mesure l'écart qui existe entre l'attitude et l'esprit communistes, prolétariens, défendus par la Fraction italienne et ceux des “ liquidationnistes ” du CCI actuel qui sanctionnent notre fraction interne, entre autres, pour non-paiement d'une partie des cotisations et qui ne lui permet même pas d'assister à son congrès en allant même jusqu'à l'exclure quelques jours avant.

Les textes de Bilan que nous publions ci-dessous parlent d'eux-mêmes. Ils ne peuvent qu'interpeller tout militant communiste sincère.
Nous sommes amenés à citer intégralement les résolutions de la Fraction italienne sur sa minorité en 1936 du fait de la méconnaissance volontaire de ces documents par le CCI actuel.

COMMUNIQUE DE LA C.E. DE LA FRACTION ITALIENNE

La Commission Exécutive entend rester fermement attachée au principe que la scission au sein de l'organisme fondamental du prolétariat, trouble et arrête le processus délicat de la vie et de l'évolution de ce dernier, quand elle ne vérifie pas sur le terrain des divergences programmatiques qui ne font qu'exprimer ou tendent à exprimer les revendications historiques non d'une tendance mais de la classe dans son ensemble.

La C.E. constate que la minorité s'inspire d'autres critères et menace de passer à la scission non seulement avant le Congrès, mais avant même que la discussion se soit initiée ; et cela sur le point controversé de la reconnaissance ou non du groupe de Barcelone. Malgré cette injonction de la minorité, la C.E. retient de devoir sauvegarder l'application du principe de la nécessité du Congrès pour la solution de la crise de la fraction.

La C. E. avait ratifié les positions prises par un de ses représentants, qui consistaient à prendre acte de toutes les décisions du Comité de Coordination. Mais ce Comité s'était limité à demander la reconnaissance du groupe de Barcelone, ce qui ne représentait donc pas une décision mais simplement une requête à la C. E. qui restait libre de prendre une décision. Il est donc inexact de parler d'engagements qui ne furent pas maintenus.

La C. E. s'est basée sur un critère élémentaire et de principe de la vie de l'organisation lorsqu'elle a décidé de ne pas reconnaître le groupe de Barcelone. Cela pour des considérations qui n'ont même pas été discutées par le Comité de Coordination et qui furent publiées dans notre communiqué précédent. Aucune exclusion n'était décidée contre des membres de la fraction et pour cela la décision du Comité de Coordination devient incompréhensible lorsqu'il considère l'ensemble de la minorité exclu si le groupe de Barcelone n'est pas reconnu. La C. E. devant l'état actuel d'imperfection de l'élaboration des normes réglementant la vie d'une organisation traversant une phase de crise, bien que convaincue de la justesse de sa précédente décision pour diriger l'ensemble de la fraction dans la phase ultérieure de la discussion programmatique et devant l'ultimatum du C. de C., rectifie sa décision antérieure et passe à la reconnaissance du groupe de Barcelone.

La C. E. avait aussi soulevé quelques considérations politiques, quant à l'impossibilité d'un recrutement en une période de crise devant aboutir -par la conviction commune des deux tendances- à la scission, puisque les nouveaux éléments venus à l'organisation sur la base des problèmes controversés, se seraient trouvés absolument dans l'impossibilité de résoudre le problème fondamental qui se réfère à des questions de programme et qui ne peut être résolu que par ceux qui faisaient partie de l'organisation avant le déclenchement de la crise et qui avaient donné leur adhésion aux documents de base de la fraction.

Le Comité de Coordination poursuit son chemin dans une voie qui ne peut conduire à aucun résultat positif pour la cause du prolétariat et prétend que c'est la peur de devenir minorité qui a guidé la C. E. Le Comité de Coordination sait, autant que la C. E. que, même dans l'hypothèse absurde d'une comptabilisation des votes des prolétaires qui ont donné leur adhésion à la fraction à Barcelone, le présumé renversement des rapports actuels ne se serait pas vérifié.

La C. E. exhorte tous les camarades à se pénétrer de la gravité de la situation et à comprimer toutes les réactions afin de pouvoir passer à une discussion dont le but ne sera pas le triomphe de l'une ou de l'autre tendance, mais l'habilitation de la fraction à se rendre digne de la cause du prolétariat révolutionnaire au travers du bannissement de toute idéologie qui se sera avérée –au cours des événements espagnols– comme un élément nocif pour la lutte de la classe ouvrière.

Bilan n° 36 octobre-novembre 1936


Ordre du jour voté par la C. E. le 29.11.36 sur les rapports entre la fraction et les membres de l'organisation qui acceptent les positions contenues dans la lettre du Comité de Coordination du 25.12.1936

Tout au long de l'évolution de la crise de la fraction, la C. E s'est laissé guider par ce double critère : éviter des mesures disciplinaires et déterminer les camarades de la minorité à se coordonner en vue de la formation d'un courant de l'organisation s'orientant vers la démonstration que l'autre courant aurait rompu avec les bases fondamentales de l'organisation alors que lui en serait resté le réel et fidèle défenseur. Cette confrontation polémique n'aurait pu trouver d'autre place qu'au congrès.

Successivement à la réunion de la Fédération parisienne du 27 septembre qui donna naissance au Comité. de Coordination, la C. E. exhorta la fraction à subir une situation dans laquelle la minorité avait un régime de faveur, qui consistait dans sa non participation à l'effort financier nécessaire à la vie de la presse, alors qu'elle écrivait sur cette même presse. La C. E. fit cela dans l'unique but d'éviter que la rupture ne se fasse sur des questions de procédure.
Immédiatement après, surgit la menace d'une rupture au cas où la C. E. n'aurait pas reconnu le groupe de Barcelone. La C. E. se basant toujours sur le même critère, à savoir que la scission devait trouver sa place sur des questions de principe et nullement sur des questions particulières de tendance, encore moins sur des questions organisatives, passa à la reconnaissance du groupe de Barcelone.

Enfin, quand la C. E. fut contrainte de constater que le refus de la minorité à échanger avec l'autre tendance la documentation concernant sa vie politique, signifiait la rupture de l'organisation (mais malgré cela la C. E. maintenait toujours la nécessité du Congrès) par une communication “verbale” du camarade Candiani, la minorité nous informa qu'elle serait passée immédiatement à la rupture.

Le dernier appel de la C. E., du 25 Novembre, reçut une réponse qui empêche toute tentative ultérieure en vue de la présence de la minorité au Congrès.
        Dans ces conditions, la C. E. constate que l'évolution de la minorité est la preuve manifeste qu'elle ne peut plus être considérée comme une tendance de l'organisation, mais comme un réflexe de la manœuvre du Front Populaire au sein de la fraction. En conséquence, il ne peut pas se poser un problème de scission politique de l'organisation.

Considérant d'autre part que la minorité s'acoquine avec des forces ennemies de la fraction et nettement contre-révolutionnaire (Giustizia e Libertà, débris du trotskisme, maximaliste) en même temps qu'elle proclame inutile de discuter avec la fraction.
La C. E. décide l'expulsion pour indignité politique de tous les camarades qui se solidariseront avec la lettre du Comité de Coordination du 25-11-36 et elle laisse 15 jours de temps aux camarades de la minorité pour se prononcer définitivement. Ces camarades sont invités à faire parvenir leur réponse individuellement pour le 13 décembre. Exception est faite pour les camarades résidant à Barcelone pour lesquels il sera attendu le retour afin qu'ils soient dans la possibilité de se documenter complètement Ces réserves ne concernent pas le camarade Candiani qui avant son retour a eu la possibilité de prendre complètement connaissance de la situation.

Bilan numéro 37 – décembre 1936


C'est tout cela que l'article de la Revue internationale esquive volontairement et c'est ce que nous devons défendre en matière organisationnelle.

Aujourd'hui, la direction du CCI accuse notre fraction des pires comportements et des pires errements, cherchant ainsi à justifier son inique politique disciplinaire. Quand bien même cela aurait été le cas (cela ne l'a jamais été, comme nous l'avons maintes fois démontré), et même si nos comportements étaient encore pires que ceux énoncés et dénoncés, rien ne justifierait l'attitude politique actuelle du CCI en matière organisationnelle qui est contraire à celle de la Gauche italienne. La seule façon communiste qui aurait dû être celle du CCI aurait été de tout faire pour nous convaincre de nos erreurs politiques par le débat et de démontrer, s'il en avait les moyens, nos “ errements ”. C'est la méthode développée dans les textes que nous avons reproduit ci-dessus et que la Gauche Communiste de France a également défendue.

Le CCI actuel a beau se réclamer de la Gauche communiste et notamment de la Gauche Communiste de France, dans les faits il lui tourne carrément de dos. Il développe des positions et des politiques, au moins au niveau organisationnel, qui font la preuve qu'il est tombé dans un opportunisme crasse.

III – L'opportunisme de la Direction actuelle du CCI et ses conséquences politiques

Pourquoi le CCI actuel développe-t-il de tels arguments ? Nous seulement ils ne sont pas dignes d'une organisation communiste se revendiquant de la Gauche communiste mais encore, ils font la preuve que la Direction actuelle du CCI pour se justifier tombe de plus en plus dans l'idéalisme .

1 - L'article de la Revue Internationale fait l'impasse sur l'essentiel de la méthode développée par la Gauche Communiste suite à son combat contre la bolchévisation des PC et de l'IC et leur aboutissement dans le stalinisme.
Quel est le véritable sens de cet article ? Il n'est pas fait pour défendre l'idée que “ l'organisation et l'action concertée communistes ont uniquement pour base la conscience des militants qui les fonde.  Plus grande, plus claire est cette conscience, plus forte est l'organisation, plus concertée et efficace est son action. ” (Internationalisme cité par la Revue Internationale n° 110). Non ! La conception qui le soutend réellement est une conception selon laquelle l'on “ apporte de socialisme par la trique ” (idem.). Ce qui traverse l'article, c'est le mot 'discipline'. Et, l'on en arrive tout naturellement au paragraphe “ en défense de la discipline organisationnelle ” (page 22). Dans ce paragraphe l'on cite les comportements des camarades AL et F(9) dans la Gauche Communiste de France qui l'ont quittée volontairement dans les années 40 pour fonder la FFGC. Tout ce paragraphe ne sert qu'à dénoncer notre Fraction qui aurait soi-disant quitté le CCI de la même façon. La situation qui a mené à la fondation de la FFGC n'a rien à voir avec la situation actuelle de la Fraction qui, d'une part, n'a jamais voulu quitter le CCI, elle en a été exclue, et d'autre part, ne cesse de revendiquer sa réintégration pour mener son combat à l'intérieur.
Et, cerise sur la gâteau, l'article se termine sur la vision policière de l'histoire. Si le lecteur n'avait pas encore compris que cet article n'a rien de théorique mais est un article de circonstance, à ce moment-là il est obligé d'en convenir. Il s'agit là d'insinuer l'idée que la Fraction serait une agence de la police ou un ramassis d'agents provocateurs.
Et, voilà pourquoi l'on ne se trouve que dans le cadre de la discipline et des sanctions, la ficelle est bien grosse. Mais elle est là ! Nous ne sommes vraiment pas dans le cadre de la réflexion politique-théorique, du renforcement de la conscience comme l'article le laisserait accroire. Or, nous avons vu que la question de la conscience représente la question essentielle mise en avant par la Gauche communiste pour acquérir une vraie “ discipline librement consentie ” (cf. :les articles cités de Bordiga, de la Fraction italienne et de la Gauche communiste de France).
Au bout du compte, il ne nous reste pas d'autre choix que de dénoncer cet article qui n'a, en fin de compte, pas pour but de rappeler les principes et de développer la question de la véritable discipline communiste mais plutôt de développer la théorie du complot permanent. Voilà la politique actuelle du CCI ! Le plus grave, indépendamment de la destruction du CCI et de ses militants, ce sont les conséquences destructrices de cette politique. En criant au 'loup', au complot permanent, elle mène à ce que plus personne ne croit à l'existence d'agents provocateurs quand le problème se pose. Aujourd'hui, par exemple, plus personne ne croit au rôle destructeur qu'a joué Simon dans le CCI pendant des années. A cause de l'attitude actuelle de la Direction du CCI, il apparaît que c'est Simon qui est en train de gagner, post-festum, le combat mené par le CCI en 1993-95.

2- L'idéalisme du CCI.
Dans l'article de la Revue Internationale n°108, le CCI d'aujourd'hui a notamment construit un schéma de fraction qui n'a rien à voir avec la réalité, qu'elle soit présente ou passée. Ainsi, il décidait de ce que doit être une “vraie fraction” et de ce qu'elle doit faire (ex : avoir un programme achevé pour pouvoir se déclarer en tant que fraction ; respecter la « discipline organisationnelle » même si celle-ci bafoue « la méthode révolutionnaire honnête et loyale ».). Comme notre fraction ne correspond pas à son schéma, il conclut que ce n'est pas une vraie fraction. Et, puisque ce n'est pas une vraie fraction, cela ne peut être qu'une bande de “ salauds ” ou d'agents provocateurs !
Comme les « bolchévisateurs », la Direction actuelle du CCI développe de plus en plus une politique opportuniste marquée surtout par une volonté d'étouffer tout débat et toute réflexion politiques ainsi que par l'utilisation d'accusations gratuites en vue de discréditer, voire de détruire, ceux qui s'opposent à elle. Par ailleurs, en voulant justifier théoriquement cette politique, elle sombre dans l'idéalisme. Malheureusement, on commence à percevoir cette dérive idéaliste sur d'autres plans (analyse de la situation actuelle et intervention vis-à-vis de la classe ouvrière, cf. notre prise de position critique sur l'article de la Revue internationale 110 sur le conflit entre l'Inde et le Pakistan dans ce bulletin).
Voilà comment elle prive progressivement le CCI de sa boussole de classe et comment elle l'éloigne du marxisme.

Le 10/09/02


Notes:

(1) publié intégralement dans le numéro 2 du Bulletin de la Fraction, car c'était la question soulevée par la fraction en octobre 2001 et, à l'époque, complétement passé sous silence par la Direction du CCI.
(2) il est question de la création du Comité d'Entente créé par la Gauche communiste pour préparer le Congrès ; on pourrait faire le lien avec la dénonciation par la Direction du CCI quand les camarades de la Fraction avaient créé un 'Collectif de travail' avant la réunion du bureau International pour réfléchir ensemble sur les textes de la Direction du CCI.
(3) Internationalisme n° 25 août 1947.
(4) Leçons déjà défendues dans nos Bulletins et que nous continuerons de développer et préciser.
(5) cité dans le Bulletin n° 7 de la Fraction.
(6) il s'agisait de la Gauche communiste de France et le PCint.
(7) celle de la "faction" actuelle qui dirige le CCI.
(8) Cf. : page 136 et suivantes de notre brochure Contribution à une histoire de la Gauche communiste d'Italie.
(9) 'Frédérique' en fait Suzanne Voute.


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