Home | Bulletin Communiste FICCI 15 | 

DEBAT INTERNE A LA FRACTION (II)
Extrait d'une CORRESPONDANCE AVEC SARAH

La Fraction interne du CCI à La Camarade Sarah

Paris, le 25 octobre 2002

Chère camarade,

Suite à la discussion que nous avons eu avec toi vendredi 18 octobre, nous voulons te faire part du bilan que nous en avons tiré ainsi que de la façon dont nous voyons la situation qui découle des décisions que nous avons prises avec toi.

Tout d'abord, en dépit de quelques tensions et crispations qui ont eu lieu au cours de cette discussion, nous considérons que les conclusions auxquelles nous sommes parvenus ensemble marquent une très nette clarification de la situation.

Les désaccords fondamentaux que tu exprimais avec les orientations que s'est donnée la Fraction, tant au niveau de sa méthode que de ses objectifs, avaient déjà abouti au fait que nous ne parvenions plus à travailler ensemble, dans la même structure. Et nous sommes tout à fait d'accord avec toi quand tu dis dans la dernière lettre que tu nous as adressée : “ Il est évident que, dès lors que nous divergeons sur la conception politique et théorique des tâches de la fraction et de ce qu'est sa responsabilité, nous divergerons sur les moyens et les priorités qu'elle doit donner à son travail, et nous divergerons nécessairement sur un grand nombre de choix politiques concrets et actions pratiques immédiates à entreprendre, et par suite sur le bilan à tirer des choix et des actions effectivement pris et mis en oeuvre au bout du compte ”. Le fait que tu veuilles aujourd'hui poursuivre ce combat de ton côté afin d'être en cohérence avec ta propre conception nous paraît être le seul choix qui te restait. Nous souhaitons sincèrement que tu parviennes à exprimer ton point de vue dans le MPP.

Pour notre part nous te réaffirmons que, même si nos voies divergent pour le moment, nous restons convaincus que nous participons, toi et nous – ainsi que bien d'autres militants organisés ou 'isolés' – des mêmes préoccupations révolutionnaires que la situation nous impose.

C'est donc dans un esprit de fraternité communiste que nous voulons placer nos relations à venir. Concrètement, cela signifie que, bien évidemment, la fraction publiera dans son bulletin ton texte datant du mois de mai. Il va de soi aussi que, à l'avenir, nous serons toujours disposés à prendre connaissance de tes contributions et critiques et à les publier, en fonction de nos moyens et priorités, bien sûr. De la même façon, dès que nous serons en mesure de tenir une réunion avec les lecteurs intéressés, tu y seras la bienvenue.

Au plan pratique :

Concernant ton texte de mai.

Etant donné que ce texte fait environ 12 pages, nous ne sommes pas en mesure de le publier tel quel. Aussi nous te proposons d'en choisir des extraits afin qu'il puisse tenir en 5 pages (y inclus les notes que tu envisages d'y adjoindre comme tu nous l'as dit vendredi) que nous publierons dès le prochain bulletin (échéance de 2 à 3 semaines).

Ou bien, si tu tiens à ce que nous publiions les 12 pages, nous le ferons en 3 fois dans les 3 prochains bulletins. Nous te signalons que nous informerons les lecteurs de la situation dans le prochain bulletin.

Essaies de nous informer de ton choix dès que possible pour que nous puissions savoir à quoi nous en tenir.

Il va sans dire que si tu as des commentaires à faire sur la façon dont nous présenterons les choses dans le prochain bulletin, nous les publierons (dans la limite du raisonnable pour le nombre de pages). (.../...)

Dans l'attente de tes nouvelles et de tes décisions, nous t'adressons nos saluts Communistes

La Fraction.


Contribution “ Réflexions sur les tâches et la méthode de la fraction ”
(2ème partie du texte de Sarah)

Avertissement : suite à un regrettable malentendu, la présentation qui suit, rédigée en novembre dernier, n'a pu paraître dans le bulletin 14. Elle paraît donc dans ce numéro, suivie de la seconde partie du texte publié dans le n°14.

Présentation du texte

Dans le bulletin n°13, est évoqué le fait qu'un désaccord a surgi dans la fraction sur la question de ses tâches et méthodes de travail. On y lit ceci : “ c'est même un débat en notre sein puisqu'un des membres de la fraction pense que nous devrions nous atteler à une critique plus radicale 'sans ostracisme' des positions du CCI ”.

Le “ débat en notre sein ” n'en est plus un puisque l'auteur de ces lignes n'est plus aujourd'hui membre du groupe. La fraction a en effet décidé que la séparation organisationnelle était préférable à la poursuite d'un débat qu'elle considérait comme une entrave à son travail. Ce débat est donc désormais public et je remercie la fraction d'avoir accepté d'ouvrir les colonnes de son bulletin à l'exposition de mon point de vue.

- Oui, je pense qu'il appartient à la fraction –qu'il lui appartenait et lui appartient toujours si elle ne veut pas se condamner elle-même à l'impuissance- de s'atteler à une critique radicale, non pas au sens vulgaire de ce mot, qui mesure le radicalisme à la quantité de jugements de valeur négatifs employés, mais au sens originel , celui que lui ont toujours donné les marxistes : une critique qui aille à la racine des problèmes ;

- Oui ce doit être une critique sans ostracisme, ce qui n'a jamais voulu dire qu'il faudrait partir de l'a priori que tout ce que nous estimions juste jusqu'à présent serait globalement à rejeter, comme on me l'a indûment prêté, mais une critique qui rejette tout autant la démarche inverse (formellement à contre-pied mais identique sur le fond), pour qui, a priori, rien de ce que nous considérions jusqu'à l'éclatement de la crise de 2001 comme des “ acquis du CCI ” ne doit faire l'objet de discussions ou de réexamens par la fraction.

- Une critique radicale et sans ostracisme enfin, non pas ” des positions du CCI ” (comme me le prête le bulletin 13), mais tout simplement de la politique réelle et concrète du CCI de 2001-2002 ; cette politique réelle qui est notre point de départ, celle-là même qui a fondé la nécessité de nous constituer en fraction. C'est la critique de cette politique concrète qu'il s'agit de mener de manière radicale- c'est-à-dire dans toute sa genèse historique et dans toute sa dimension théorique- et sans ostracisme -c'est-à-dire sans crainte des éventuelles remises en question, y compris douloureuses, auxquelles peut nous conduire ce travail. Est-ce que, oui ou non, ce ne sont pas des théories et pratiques déjà anciennes du CCI qui sont aujourd'hui mises à l'épreuve de l'histoire ? Est-ce que la politique actuelle du CCI ne révèle pas au grand jour, et en le couvrant de honte, les graves dérives que celles-ci contenaient déjà ? Dérives que nous n'avions pas su ou pas voulu voir et que l'histoire réelle se charge de nous mettre brutalement sous le nez aujourd'hui sans prendre de gants. Voilà le genre de questions que nous n'avons pas le droit d'éviter, sans quoi notre “ combat de fraction ” serait inutile et vain.

Je n'ai jamais suggéré de mettre en doute de près ou de loin les “ positions du CCI ”, si on entend par là les points principiels de sa plate-forme, et mes camarades de la fraction le savent bien. Il y a essentiellement deux axes autour desquels j'ai demandé que la fraction se penche sérieusement : l'un est la théorie de la décomposition (dont l'élaboration par le CCI date de la fin des années 80) et dont nous avons pu mesurer les conséquences ultimes dans ses prises de position face aux événements de 2001. L'autre concerne la méthode par laquelle le CCI a fait de la question d'organisation une “ question à part entière ” méthode consistant en pratique à la traiter comme “ entièrement à part ” (comme le remarquait fort justement un camarade). Ce dernier point englobe le nécessaire réexamen, à la lumière des événements d'aujourd'hui, de sa pratique organisationnelle interne, notamment lors de la “ crise de 1993 ” et depuis lors. Il inclut également les multiples concepts de “ clanisme ”, “ d'aventurisme ”, de “ parasitisme ”, et autres théories du complot permanent menaçant l'organisation, que le CCI a élaborés au long des années 90. A ces deux directions nécessairement liées entre elles à mes yeux s'ajoutait une troisième, plus générale : la question de l'idéalisme dans sa méthode de raisonnement, idéalisme qui nous avait sauté aux yeux en 2001 et dont nous sentions pourtant bien que lui non plus n'était pas tombé du ciel un beau jour du printemps 2001. Ces axes de travail n'avaient rien d'un dada personnel, rien d'un choix arbitraire, il ne s'agissait que de creuser là même où avait pris naissance notre révolte, il s'agissait seulement de dire : il ne suffit pas de se révolter et de s'indigner de ce qui est, il faut comprendre.

Le texte qui suit a été rédigé en mai 2002. Sa nécessité s'est fait sentir lorsqu'il est apparu que des différences de sensibilité en notre sein, des ambiguïtés jusque là non confrontées commençaient à entrer en contradiction ouverte. L'événement déclencheur fut au mois d'avril le besoin de définir des critères d'adhésion à la fraction (dans la mesure où des camarades non membres du CCI avaient demandé à s'intégrer à son travail). Il ne suffisait plus à la fraction d'exister comme réaction de fait à la crise interne du CCI, il lui fallait développer une conscience plus claire, plus profonde de sa propre existence de son but et de ses tâches. Ce texte ne se voulait alors qu'une contribution à une réflexion qui n'avait pas encore eu lieu. S'il s'attaquait à nos ambiguïtés et contradictions, c'est dans l'unique but de contribuer à leur dépassement.

Loin d'ouvrir un débat approfondi, la majorité de la fraction a réagi en opposant une fin de non recevoir aux pistes de réflexion que je suggérais. Elle en prit même le contre-pied en se revendiquant, selon ses termes, d'un “ ostracisme délibér頔 et d'un objectif “ modeste et étroit ”, volontairement limité à la dénonciation des manoeuvres organisationnelles des “ liquidationnistes ” et à leurs analogies formelles avec la bolchevisation des PC dans les années 20. L'argument essentiel pour justifier cette position fut qu'il était “ trop tôt ” pour s'engager dans une compréhension théorique et historique de la dérive du CCI, en arguant que l'objectif premier de “ redressement de l'organisation ” serait en contradiction avec un retour critique sur la politique du CCI antérieure à 2001.

A cet argument, j'ai déjà répondu depuis qu'il est totalement absurde d'opposer ainsi les choses. Comme si on pouvait espérer “ redresser ” quoi que ce soit sans se donner la peine de comprendre où et comment il a commencé à dériver ! En vérité la critique théorique est la meilleure voie pour sauvegarder les forces militantes du CCI car c'est par leur conscience que les militants du CCI actuel pourront éventuellement redresser leur ligne erronée et non par on ne sait quel autre procédé. C'est ce qu'exprimait d'ailleurs la fraction de la Gauche Italienne qui écrivait en 1931 :

“ La fraction ainsi comprise, c'est l'instrument nécessaire pour l'éclaircissement politique qui doit définir la solution de la crise communiste. Et l'on doit juger comme arbitraire toute discussion opposant l'issue de la fraction exclusivement dans le redressement du parti, à l'issue de la fraction dans un deuxième parti, et vice-versa. L'une ou l'autre dépendront de l'éclaircissement politique obtenu, et ne peuvent pas dès maintenant caractériser la fraction (souligné par moi).Il est possible et souhaitable que cet éclaircissement se concrétise par le triomphe de la fraction dans le parti lequel retrouvera alors son unité. Mais on ne peut pas exclure que cet éclaircissement précise des différences fondamentales qui autorisent la fraction à se déclarer elle-même, contre le vieux parti, le parti du prolétariat; celui-ci, à la suite de tout le processus idéologique et organisatoire de la fraction, relié aux développements de la situation, trouvera les bases effectives pour son activité. Dans un cas, comme dans l'autre, l'existence et le renforcement de la fraction sont les prémisses indispensables pour la solution de la crise communiste. ” (Bulletin d'information n°3, novembre 1931 ; cité dans “ Contribution sur les groupements, tendances et fractions ” paru dans le bulletin n°9 de la FI du CCI, le passage souligné l'est par moi). Et je ne fais là que prendre au mot la comparaison devenue systématique dans les bulletins de la Fraction alors qu'à l 'époque de la Fraction italienne il s'agissait du Parti du prolétariat et non d'un simple groupe du milieu politique.

En ce qui me concerne, je n'ai pas abandonné tout espoir de voir un sursaut prolétarien se manifester au sein du CCI, c'est-à-dire qu'il se trouve encore des camarades qui aient un jour ou l'autre le courage d'élever la voix et de soulever les vraies questions qui se posent, malgré le climat de terreur ambiant. Mais tant que la fraction s'interdira d'aller au fond des choses sous prétexte de “ redresser d'abord ”, elle ne sera d'aucun secours pour ces camarades, militants et contacts du CCI ; elle ne fera que leur demander de se déterminer, non pas entre deux lignes politiques claires et explicites, mais entre deux groupes de personnes aux prises dans une dispute procédurière infinie, chacun d'eux se caractérisant uniquement par la dénonciation des “ magouilles ” de l'autre. Sur ce terrain là, la fraction n'a non seulement aucune chance de représenter la moindre continuité sérieuse avec ce que le CCI et son courant historique a apporté de positif à l'histoire de notre classe, c'est-à-dire de limiter la critique à une juste mesure, de même qu'à pouvoir débarrasser le terrain des déviations, mais elle ne pourra pas plus être l'instrument actif de quelque redressement prolétarien que ce soit dans le CCI formel actuel.

Sarah, novembre 2002.

PS : Pour des raisons de place, j'ai fait quelques coupes mineures dans le texte qui suit. J'y ai par contre ajouté ici ou là des commentaires qui se présentent entre crochets dans le texte, mais dans l'ensemble c'est plus court.

---

VII Il devient aujourd'hui très important de nous homogénéiser un minimum sur ce qui précède. En effet, si nous ne sommes pas d'accord entre nous sur le sens du rapport entre la fonction et le fonctionnement d'une organisation, entre le contenu et la forme, entre les questions politiques générales et les questions organisationnelles, il n'y a rien d'étonnant à ce que nous ne soyons pas d'accord sur les tâches, la méthode et les priorités de travail de la fraction (…).

Mon propos n'est pas de dire que les questions organisationnelles n'existent pas et qu'une dérive organisationnelle n'aurait pas, aussi, sa propre dynamique. Mais, sur la compréhension de la nature du processus de distorsion organisationnelle dans le CCI pris en lui-même nous avons globalement déjà les réponses même si on peut bien sûr toujours affiner. Nous avons déjà établi que ce qui arrive au CCI s'est déjà produit dans l'histoire sous le nom de “ bolchévisation ”, [quoique l'analogie n'est juste que dans son principe la situation n'étant pas comparable], que ce fut alors une fuite en avant destructrice dans lequel “ Staline servait des mets de plus en plus poivrés ” (dixit Zinoviev, lui-même premier orchestrateur de cette bolchévisation – cité in BF n°8). Nous pouvons bien sûr continuer à examiner sur toutes les coutures cette analogie historique [valable en ceci qu'à une ligne politique erronée correspond toujours tôt ou tard une politique interne erronée], nous y trouverons sans doute toujours plus de confirmation de notre constat/diagnostic de la dégénérescence de notre organisation. Mais nous n'aurons pas fait avancer d'un pouce la compréhension des causes de la maladie et donc encore moins des conditions de sa guérison.

Peu importe ici que nous mettions dans le mot “ guérison ” le “ redressement du CCI ” comme tel , du CCI formel actuel, ou bien que nous y voyions un ensemble de leçons utiles au regroupement des forces révolutionnaires, leçons parmi lesquelles les véritables apports du CCI auront été sauvés en les distinguant de ses erreurs à ne plus reproduire. Dans les deux cas, les conditions d'une telle “ guérison ” sont exactement les mêmes.

VIII “ Clan ” et “ clique ”.

“ Il faut défendre le CCI contre le clan le plus destructeur ” clament à longueur de page les documents du CCI. “ Il faut défendre le CCI contre la clique liquidationniste ”, répond en écho le camarade J.. La “ lutte contre la clique ” est présentée non seulement comme le “ but ”, mais comme la “ méthode de la fraction , et il n'y en a pas d'autre” (notre réunion du 6 mai).

Une semaine plus tard, c'est le camarade O. qui nous dit sans sourciller : “ Ce qu'elle (Sarah) dit me convainc qu'il faut défendre le combat de 93 .La question de 93 c'est qu'on n'est pas allé assez loin, qu'on n'a pas vu le travail de sape qu'avait fait Simon et le véritable clan pavillon à ce moment là. On l'avait dit : la suite du combat est de reconstruire le tissu organisationnel. Mais il était détruit à ce moment là. La question organisationnelle est importante et politique et peut être considérée comme autonome.(...) Quand on a commencé à poser les comportements de Peter et Louise çà la remettait en cause et la contre offensive a été lancée. Mais le tissu organisationnel était détruit par le clan. ” .

Si je cite cette intervention, c'est que son auteur est aussi celui d'un travail [paru dans le n°1 du BF et même encore dans le BII du CCI et auxquels je renvoie les lecteurs intéressés] qui a démontré très justement tout l'inanité de la “ théorie du clanisme ” et, ce faisant, a participé à la mise en évidence que la fraction devrait sérieusement “ questionner ” la crise de 93 et la réponse qui lui a été apportée. Pourtant ce même camarade nous dit aujourd'hui quelque chose qui n'est absolument pas différent de ce qu'ont dit Louise, Peter et la CI depuis janvier 2001 : on n'est pas allés assez loin en 93, le tissu organisationnel est encore et toujours pourri, il est pourri par un clan, c'est la suite du travail de sape de Simon, etc, etc. Il dit LA MEME CHOSE qu'eux, sauf qu'il intervertit les rôles des individus. Comme eux, il cherche les “ corps étrangers ”, les “ coupables ”, alors qu'il s'agit de comprendre les erreurs et les problèmes comme étant ceux de l'organisation comme telle, comme GROUPE organisé et non pas comme “ la faute à untel” !! [1]

L'organisation n'est pas une somme d'individualités, mais l'expression de l'effort d'une classe pour son émancipation, effort dans lequel l'engagement des militants est un engagement individuel conscient et volontaire dans le combat prolétarien. Sa politique, ses orientations l'engagent comme groupe devant notre classe, ses difficultés et ses échecs aussi ! Et si des difficultés apparaissent, c'est sa propre politique, la justesse de celle-ci, son adéquation à la situation, aux intérêts généraux du prolétariat et aux rapports de force réels entre les classes qu'elle se doit d'interroger. Et si des comportements destructeurs sont identifiés, au delà de la question des motivations individuelles “ louches ” éventuelles, la seule véritable question à se poser c'est de comprendre pourquoi et comment une organisation prolétarienne a pu permettre qu'ils se développent et surtout que les questions d'individus et de pouvoir personnel prennent une importance telle qu'ils ne puissent être surmontés autrement que par une politique d'étouffement des débats politiques au bénéfice de manoeuvres d'influence. Car cela ne peut alors être que le signe, au mieux de l'absence d'une cohérence politique réelle, profonde, d'une “ ligne politique juste ”, qui permet seule de dépasser les débordements individuels, au pire le signe qu'elle s'est déjà notablement éloignée, dans sa pratique concrète et réelle –même si pas dans ses principes défendus en parole- de la défense des intérêts généraux du prolétariat dans une phase de recul et de difficultés de celui-ci. Bref que ce qui l'a pénétré ce n'est pas tant des “ corps étrangers ” représentés par des individus particuliers [mus par des projets individuels étroits], mais les idées de la classe dominante, l'influence de l'idéologie bourgeoise et qu'elle n'a pas su identifier cette influence et s'est donc laissé gagnée par l'opportunisme. [2]

Depuis près de 10 ans, le CCI ne fait que cela : consacrer toute son énergie aux “ problèmes organisationnels ” pratiquement à l'exclusion de toutes les autres questions (pourtant nombreuses !) qu'auraient du lui poser la situation et la détermination de ses tâches. Résultat : tout va toujours plus mal sur le plan de la vie interne, comme sur celui de sa politique générale.

Ceci devrait quand même nous interroger sérieusement : en 1993 le CCI a été frappé par une crise organisationnelle dramatique ; pendant plus de trois ans il a consacré à peu près la totalité de son temps, de son énergie et de ses ressources militantes à la “ résolution ” de cette crise ; aujourd'hui 5 ans après, on s'aperçoit non seulement que rien n'est résolu, mais qu'il existait en notre sein “ deux lectures ”, “ incompatibles ” et “ inconciliables ” de la signification de cette crise et des leçons à en tirer : 3 ou 4 longues années de “ débat ” intensif pour constater... que les leçons politiques et théoriques que nous sommes censés en avoir tirées sont suffisamment vagues et floues pour que chacun y lise un contenu concret et pratique différent et opposé à celui du voisin ! Bravo !! [Au passage une brochure en a été tirée (“ La paranoïa du CCI ” I et II) mais dont la qualité politique était si médiocre que le CCI lui-même s'est empressé de la retirer de la vente…] Mais certains d'entre nous en sont presque à considérer qu'il aurait fallu prolonger le “ combat ” encore plus longtemps ! Ce que cela devrait pourtant nous révéler au contraire, c'est que le combat n'a pas été mené au bon niveau, que les vraies causes de la crise de 93-2001 (car c'est la même !!) n'ont pas été réellement identifiées et que nous devons encore les trouver, seule manière d'en tirer de vraies leçons théoriques qui nous arment (c'est à dire qui contribuent à armer le prolétariat) vraiment pour l'avenir.

Quant au “ tissu pourri ”, je répète ce que j'ai dit en réunion de section il y a maintenant un an et écrit dans une contribution parue dans le BII à l'été 2001: si il y a des tensions, si la “ solidarit頔 et la “ confiance ” qu'on s'attend à voir se développer naturellement entre camarades et entre parties de l'organisation font défaut, c'est parce que nous sommes en train de perdre de vue POURQUOI et POUR QUOI nous sommes regroupés, quel est notre combat commun et quelle est la fonction, quelles sont les tâches pour lesquelles notre organisation existe. Je n'ai pas changé d'avis d'un iota là dessus.

Non, la tâche de la fraction n'est pas de “ défendre le CCI contre une coterie ”. Mais de lutter contre les causes des coteries.

IX . Pour le moment, et notamment depuis quelques numéros du bulletin, le discours de la fraction tend à se présenter lui-même comme celui d'un regroupement des victimes d'une politique de bolchévisation et d'exclusion. Cela vient du fait que telles ont été les conditions, non choisies par nous, de notre combat à un moment donné. (...)

Mais, comme nous le disons nous-mêmes, la crise n'a pas éclaté un beau jour de mai 2001 (ni même de janvier). Beaucoup d'éléments extérieurs au CCI nous interrogent : quels sont vos désaccords sur le fond, quels sont les problèmes politiques réels, de fond, que le CCI est en train de “ régler ” par la discipline et l'exclusion ? N'avons-nous pas d'autre réponse à leur donner que ce discours, symétrique de celui du CCI, selon lequel “ le fond du problème est que nous ne sommes pas allés assez loin en 93, que le tissu restait pourri, qu'il y avait toujours un clan  ? Comment voulez-vous qu'alors la crise actuelle ne soit pas perçue à l'extérieur autrement que comme une “ guerre de chefs ” ?

Je pense que nous avons déjà quelques éléments de la réponse à cette question précise, mais qu'il faut encore l'interroger. Le texte “ Elements d'explications ” (in BF n°11) donne quelques éléments, même si il ne reflète encore qu'une compréhension partielle et inachevée de ce qui s'est passé [et s'il reste malheureusement par trop prisonnier des explications comportementalo-individuelles au détriment d'un approfondissement des enjeux politiques de fond].

Il me semble, par exemple que si la politique du SI [les dernières années précédant la constitution de la Fraction] a été insupportable et a provoqué une telle contre-offensive, ce n'est que partiellement parce qu'elle mettait en cause les comportements individuels de tel ou tel, mais surtout parce que, même de manière pas complètement consciente et ni assumée avec suffisamment de conséquence, elle luttait pour que l'organisation se remette à assumer ce pourquoi elle existe en reprenant racine dans le réel : dans la situation complexe qui l'entoure, dans le mpp, dans l'ouverture aux questionnements surgis de l'émergence de nouveaux éléments, et, également, pour qu'elle s'appuie sur sa “ base ” militante de manière beaucoup plus déterminée, c'est à dire sur son activité pratique de sections, de contacts, de discussions, d'interventions locales, les différentes formes concrète de son activité pratique au sein de notre classe, y compris les questionnements des militants comme tels qui sont des prolétaires conscients, autant de choses qui sont sa nourriture vitale. Sans elle les organes de centralisation ne sont plus que des coquilles vides, n'existant que pour elles-mêmes, tandis que l'organisation elle-même est considérée “ en soi ”. Dans les batailles de l'ancien SI, dans son orientation du “ retour à la normale ” et de “ l'ouverture ”, dans les conflits ponctuels contre la vision de la “ forteresse assiégée ” qui faisait voir des “ parasites ” partout, il y avait, encore bien faiblement, encore balbutiant, l'effort de briser le cordon sanitaire dont le CCI s'est lui-même entouré, le début de la mise en cause de l'inversion de sens de 93.

Même si l'ancien SI n'en avait pas une conscience forcément claire et achevée,[même s'il fut “ centriste ”, non seulement par faiblesse devant l'autorité du “ chef ”, mais surtout par manque de conséquence politique et théorique], il était là une des manifestations d'un sursaut prolétarien dans notre organisation contre quelque chose qui l'étouffait, qui était la manifestation de l'influence de la classe ennemie, et qu'elle (l'organisation) avait pourtant accepté jusqu'alors. Les porteurs les plus caricaturaux de cette influence des idées de la bourgeoisie, nous pouvons mettre des noms individuels dessus, mais cela ne veut pas dire qu'ils aient été, comme individus, des instruments conscients et infiltrés, pas plus que l'équipe de l'ancien SI n'a été pleinement consciente de l'enjeu de son combat et de toute la portée de sa politique [comme nous le montre la difficulté actuelle de la Fraction à comprendre les fondements de sa propre existence]. Cela veut dire seulement que la lutte des classes se déroule aussi au sein des organisations révolutionnaires, et qu'elle peut prendre la forme de conflits idéologiques comme de tensions entre individus, mais ces dernières ne sont que des manifestations de cette lutte et non des causes.

Mais notre fraction n'est pas l'ancien SI, ni son exécuteur testamentaire. Elle doit assumer l'autocritique impitoyable des erreurs du CCI comme tel, comme un tout, dans laquelle la politique de l'ancien SI n'est qu'un des éléments de ce qui s'est passé. Elle doit maintenant reprendre le flambeau, c'est à dire pas tant défendre la politique de l'ancien SI, que d'en critiquer les insuffisances maintenant que la contre-offensive et la crise ont révélé à quel point sa politique portait en elle un enjeu beaucoup plus grand qu'il ne se l'imaginait lui-même. Et maintenant que, par une frappante concordance du temps, la réalité qui nous entoure connaît une accélération qui met en cause la validité des orientations et thèses théoriques à partir desquelles le CCI prétendait appréhender et prévoir l'évolution du mouvement réel. [ en fait de concordance bizarre ce n'est que la preuve qu'il n'existe pas d'évènements politiques au sein du prolétariat qui ne soit déterminé par les facteurs généraux de sa lutte en tant que classe.]

X Quelle “ méthode ” pour un retour critique sur l'histoire du CCI ?

La “ méthode ” est extrêmement simple: il faut partir de là où nous sommes, et là où nous sommes ce sont des questions éminemment pratiques, sur les plans organisationnel, théorique et politique, comme je les ai rappelé plus haut. Ce qui nous amène et va nous amener à faire des ” mises en causes ” de positions élaborées par le CCI, c'est le constat pratique de leurs conséquences pratiques dans le monde du réel et non pas on ne sait quelle profession de foi, selon laquelle  a priori l'organisation ne saurait jamais s'être trompée... sauf depuis janvier 2001. Ainsi :

- Le constat pratique de la crise actuelle et de ses formes, interroge –nous le savons bien- les événements de 93-96 et donc notamment les élaborations théoriques que nous avons fait alors : en particulier le “ TO ” de l'époque.

-Le constat pratique de l'abandon par le CCI de sa politique d'ouverture et de regroupement vis à vis du milieu (constat pas vraiment nouveau, puisque nous avons depuis longtemps parlé –avant la crise actuelle- de son renoncement progressif à “ l'esprit pionner ” de ses premières années) interroge les théorisations qu'il a développé et qui ont servi à justifier ce renoncement (“ Thèses sur le parasitisme ” notamment)

- Le constat pratique de la “ chute dans l'idéalisme spéculatif ”, tel qu'il nous saute aux yeux dans le TO, et dans toutes les contributions parues en soutien au TO (de Peter à Louise en passant par Krespel et Ben) et contre les critiques de Ldo, ainsi que dans la “ méthode d'investigation ” de la CI interroge nécessairement le fait que, déjà auparavant, le CCI était prisonnier de cet idéalisme dans son mode de pensée et d'analyse sur différents plans. D'autant que nous arrivons au même constat de méthode idéaliste concernant ses analyses sur la situation internationale. En outre, le fait que cette critique de “ l'idéalisme du CCI ” se retrouve dans d'autres groupes du milieu, doit nous inciter d'autant plus à interroger très sérieusement cette question.

- Le constat pratique de la politique opportuniste menée par le CCI vis à vis des événements depuis le 11/9, au nom tout particulièrement de “ l'outil d'analyse ” sur la décomposition dont il s'est doté il y a plus de 12 ans, interroge, nous le savons bien, cet “ outil d'analyse ” lui-même...

Sur tous ces plans, nous n'avons pas le droit de dire : ces problèmes n'existent pas et si la mise en pratique concrète de positions théoriques élaborées par le CCI est désastreuse ce ne peut-être que parce que les “ liquidationnistes ” les ont dévoyées et déformées. Pourquoi n'avons nous pas le droit de dire cela ?

Premièrement, parce qu'il faut le démontrer : ainsi, nous savons très bien que c'est en mettant en application la théorie du clanisme que le CCI a eu, depuis janvier 2001, une politique terriblement destructrice pour lui-même.  Lorsque O. a cherché à lutter contre cette politique destructrice, il est revenu par nécessité sur cette théorie et a découvert qu'il n'y avait pas distorsion mais que c'est dans la théorie elle-même qu'il y avait un problème. Ce n'était pas chez O. une “ velléité de tout remettre en cause a priori ”, mais le résultat d'un travail éminemment pratique, motivé par une nécessité pratique. De même lorsqu'on clame, comme le fait J., que rien de ce que nous avons découvert dans notre critique de la résolution sur la situation internationale ne met en question la “ théorie de la décomposition ”, sans ressentir le besoin d'en donner le moindre argument, on fait preuve là d'une politique de l'Autruche consistant à ne pas vouloir regarder la réalité en face.

Deuxièmement parce que, même si nous parvenions à le démontrer, cela voudrait dire, pour le moins, qu'une position théorique dont il existe deux lectures à ce point opposées et inconciliables fait particulièrement la preuve de sa faillite à réellement armer notre organisation.

Non, sur tous ces plans, nous devrons prendre les questions telles qu'elles se posent à nous, sans ostracisme. Ce n'est pas nous qui avons le pouvoir de décider a priori quelles questions sont à se poser et lesquelles ne le seraient pas “ par principe ”, c'est la réalité qui nous impose des questions que nous ne nous posions pas auparavant, dont nous n'avions pas mesuré auparavant l'existence et donc la nécessité de les confronter. Et cette réalité elle même n'est pas faite uniquement des phénomènes présents de la crise du CCI , c'est aussi la réalité qui nous entoure, avec notamment la nécessité de prendre position sur la situation générale mais aussi de comprendre et répondre aux questions que nous pose le milieu autour de nous.

Les questions qui sont listées ci-dessus n'ont aucune prétention à l'exhaustivité. D'abord parce qu'il y en a probablement d'autres qui ont été soulevées en notre sein et qui m'échappent à l'instant même [3] . Mais surtout parce que le retour sur l'histoire du CCI, en partant des questions telles qu'elles se posent dans l'immédiat, amènera forcément à son tour d'autres questions telles que :

-” pour répondre à quel besoin réel, motivée par l'évolution réelle de l'histoire, le CCI a été amené à élaborer telle ou telle théorie, dont nous mesurons aujourd'hui l'inaptitude pratique à répondre à la défense des intérêts généraux du prolétariat ?”.

-” Pourquoi à une question réelle, à partir d'un souci valable, le CCI a apporté une réponse fausse ? ” Ce qui implique de poser à son tour d'autres questions :

- “ A quelle faiblesse antérieure renvoie éventuellement l'élaboration d'une réponse fausse ? ” ou encore “ la réponse pouvait être relativement juste, dans les conditions alors données, mais elle contenait certains schématismes sans gravité dans l'immédiat, mais devenus par la suite des dogmes, dont la répétition et le refus de les réexaminer fut catastrophique ” 

-Dans ce dernier cas : ” d'où vient la propension aux schématismes puis à leur transformation en dogmes dans le CCI ?”

Je ne vois pour ma part pas d'autre “ méthode ” possible, si nous voulons “ sauver ce qui peut l'être du désastre actuel ”

XI Complément : axes concrets de travail à se donner dans l'immédiat

[cette dernière partie du texte est ici seulement résumée et ramenée aux principales insistances].

1) Au niveau du combat contre les aspects les plus immédiatement visibles de la dérive actuelle, il est une dimension théorique qui animait les premières semaines d'existence de notre opposition/collectif/fraction et que nous avons peu à peu laissé tomber : c'est la lutte contre la “ chute dans l'idéalisme ” du TO, et avec lui de toutes les “ réponses ” faites dans le CCI à nos critiques du TO . (..ici des propositions concrètes de réponses à un certain nombre de textes parus dans les bulletins du CCI récemment ). En terme du “ combat ” à l'adresse des militants du CCI sur les questions auxquelles ils sont directement confrontés, il y a là un terrain extrêmement important que nous n'avons que trop tardé à prendre en charge collectivement (nous avions des raisons, d'autres priorités pour cela, mais ne pas s'y remettre aujourd'hui serait un renoncement grave)

2) Il faut se mettre résolument au travail sur 93-96 : il faut prendre le TO de 93 et en faire un réexamen critique à la lumière de l'expérience actuelle. Examiner en quoi ce qui était “ nouveau ” dans ce texte n'était pas juste, tandis que ce qui était juste n'était pas réellement nouveau (sur la conception de la centralisation par exemple).(…) Nous devrons également replacer ce texte dans son contexte et comprendre ce à quoi il a tenté de répondre et pourquoi il a pu tomber dans des théorisations erronées. Ensuite c'est aussi toute la politique de 93à 96 qu'il nous faut passer au crible de la critique : la “ chasse au marais ”, la politique consistant à tout faire pour pousser RV dehors, l'ignorance du monde qui nous entourait (dec 95), les “ thèses sur le parasitisme ”...

3) La fraction n'existe pas pour elle-même ni en “ vase clos ”. Son travail théorique n'a de sens que si elle se conçoit comme partie du mpp et que s'il part d'une pratique pour déboucher sur une pratique. Ceci implique toutes les dimensions pratiques de notre travail que sont : “ l'ouverture ” au milieu au sens large, la publication du bulletin, les prises de position sur la situation.

Concernant “ l'ouverture ” (…) Commençons par interroger collectivement les questions que nous posent les lettres que nous recevons, prenons le temps de nous clarifier à leur sujet et, ensuite seulement, faisons leur une réponse politique, qui DOIT être faite (et non pas remise aux calendes en se contentant d'un 'accusé de reception', comme l'a bien trop fait le CCI). Vis à vis de tout ce milieu (isolés ou organisés) qui nous écrit, notre politique “ d'ouverture ” c'est d'abord d'entendre ce qu'ils ont à nous dire, avant d'être une demande qu'ils se prononcent sur telle ou telle position politique que nous avons adoptée. Allons à eux avant de leur demander de venir à nous ! Entendons ce que nous disent nos contacts et intégrons cela dans notre propre réflexion, avant de leur demander d'adhérer à notre fraction sur la base de “ critères d'adhésion” dont il s'avère que nous n'avons pas nous même, à l'intérieur, une lecture très homogène.

Concernant nos prises de position sur la situation. Cette tâche ne doit surtout pas être considérée comme séparée ou comme un “ plus ” existant à côté de l'autre tâche dédiée à “ tirer les enseignements de la crise du CCI ” et indépendamment d'elle. Elle en fait pleinement partie, tant il est vrai que s'opère là la vérification pratique de notre capacité à comprendre la situation d'un point de vue de classe à partir de ce que nous a légué le CCI. Or cette pratique concrète nous a amené à mettre le doigt sur de sérieux problèmes théoriques et de méthode qui engluent et ont englué le CCI, choses que nous avions plus ou moins acceptées et que nous ressentons maintenant le besoin de mettre en cause pour pouvoir aller de l'avant. Cette nécessité pratique, à son tour donc, nous renvoie à la nécessité de la théorie, de la consolidation théorique, du retour critique sur l'histoire. Nous devons donc savoir que les questions tournant autour de la situation seront également pour nous du matériel de réflexion sur le fond, qu'elles susciteront probablement des discussions, des difficultés, des divergences et qu'il nous faut les assumer.

Le bulletin, le site Internet : La fraction n'existerait tout simplement pas sans son bulletin. Ils sont inséparables. Il n'y a pas de travail de fraction qui ne s'adresse en même temps à sa classe (même si dans l'état actuel des choses, nous comprenons “ sa classe ” au sens étroit des militants et inorganisés du milieu prolétarien - d'ailleurs, le projet de site Internet sera bien “ public ” et non plus seulement réservé à une liste prédéfinie de destinataires). Le travail de la fraction s'adresse donc à notre classe, de même qu'elle y puise également en permanence des matériaux pour son activité théorique (écoute vis à vis du milieu, réactivité aux événements de la situation internationale..).

Partant de la pratique, la théorie débouche sur une pratique, avant qu'à son tour celle-ci nous renvoie à la nécessité de l'étude théorique. C'est pourquoi, ce qui doit déterminer le rythme de la publication du bulletin ce n'est pas un chiffre arbitraire posé “ en soi ”, mais ce que nous estimons être en mesure de faire, compte-tenu de nos ressources et disponibilités réelles mais également de l'ampleur des questions théoriques qu'il nous faut examiner, de l'importance, qu'il nous faut évaluer, des questions non résolues en notre sein et sur lesquelles nous ne sommes pas homogènes.

A cela s'ajoute des considérations “ tactiques ” que nous ne devons pas négliger (ou balayer d'un revers de main en disant “ on se fiche bien de ce que diront les liquidationnistes ”) concernant le fait de rendre public l'existence de points de vues divergents au sein de la fraction. Chaque fois que nous le ferons, nous devons le faire avec la plus grande maîtrise possible et non pas “ par défaut ”, au nom du fait que “ on n'a pas le temps d'en discuter, donc on publie comme contribution ”, sans avoir pris le temps de mesurer les implications pour nous mêmes de l'existence de divergences/nuances/réticences en notre sein sur tel ou tel texte. [le problème s'était posé à plusieurs reprises pour différents textes parus sans clarifier les désaccords qu'ils suscitaient ) ( …) A ce niveau, nous devrions nous souvenir de ce qu'a toujours dit le CCI : à savoir que l'expression publique des divergences ne devrait pas se faire de manière précipitée mais seulement après que le débat interne ait suffisamment mûri pour que se confirme l'existence des points de vues distincts suffisamment nets et explicites pour faire avancer la réflexion dans notre classe. Cela s'applique aussi à nous, et nous devons en être d'autant plus conscients que la réflexion que nous voulons susciter s'adresse au milieu et tout particulièrement aux militants du CCI qui cherchent des réponses, un espoir, au milieu du désastre actuel (à moins que nous n'ayons déjà renoncé à “ sauver le plus possible de ses forces militantes ”) et que, en même temps, nous savons que notre travail va passer par des balbutiements et des contradictions qui sont inévitables, mais qui ne sont absolument pas insurmontables  à l'unique condition que nous consacrions l'énergie nécessaire à les surmonter.

L'efficacité du bulletin de la fraction et de toute prise de position publique de sa part est entièrement soumise à sa capacité à produire collectivement un point de vue politique rigoureux et solide. Ce qui renvoie à la question suivante.

4) La vie interne de la fraction. On l'aura compris, ce texte insiste lourdement sur l'importance du travail théorique que nous avons à développer, sur la nécessité de refuser tout ostracisme, tout évitement des questions “ gênantes ” parce que portant en elle, non plus seulement la “ critique des liquidationnistes ”, mais notre propre “ autocritique impitoyable ”. Il insiste aussi sur le fait que cela doit se faire avec méthode et rigueur. Le tout demande du temps et du travail, au plan individuel, comme au plan des moyens donnés à la confrontation des points de vue et à la nécessité de mener jusqu'au bout le débat sur les questions en divergence.

A ce niveau la forme que prend la vie interne, le rythme des réunions, la manière de faire vivre la double localisation (Mexico-Paris) de la fraction sont (comme ce qui est du rythme du bulletin) soumis à la compréhension de ce que sont nos tâches principales. Pour cette raison, il n'y a aucune raison particulière à vouloir maintenir à tout prix des réunions strictement hebdomadaires comme une “ règle en soi ” (d'ailleurs la première époque de notre fraction n'a nullement fonctionné sur une telle base “ à priori ”).

Le travail théorique demande du temps : temps en recherche, en relectures, en prise de connaissance de ce qui a déjà été écrit précédemment, temps en rédaction, etc. Cela ne se fait pas “ à la petite semaine ”, au risque de rester très superficiel. De même on ne “ résoud ” pas un désaccord surgi dans une réunion par un seul tour de table. Bien souvent, c'est plus tard, sur la base de la relecture des notes, que les choses s'éclairent, deviennent plus précises et que la question peut être reformulée de manière plus claire. Donnons aux choses que nous avons à faire le temps dont elles ont besoin, et ne leur opposons pas, comme une épée de Damoclès permanente, la “ règle ” absolue, presque “ morale ”, de la “ réunion hebdomadaire ” et du “ bulletin mensuel ” à laquelle nous soumettrions notre travail. Ce serait mettre la forme avant le fond.

Par ailleurs, prenons garde à ne pas créer une sorte de “ hiérarchie ” entre les parties parisienne et mexicaine de la fraction. Toutes les questions qui se posent à Paris doivent être soumises à la réflexion à Mexico et réciproquement (…)La question de la publication d'une sorte de “ bulletin interne à la fraction ” peut se poser (…). Ce moyen est indispensable avant d'envisager la publication dans le Bulletin public, de contributions individuelles sur lesquelles s'exprime des doutes ou désaccords dont on ne mesure pas encore bien les implications.

Sarah, mai 2002


Notes

[1] Je conseille à ce sujet de relire les lettres qu'Al a envoyé au CCI (en réponse aux interpellations auxquelles le CCI l'avait convoqué en novembre-décembre dernier), où il soulignait à quel point, si les questions d'individus prennent une telle importance, c'est l'organisme politique comme tel qui doit interroger sa propre politique, c'est lui qui doit être mis en question. Il fut un temps où notre fraction jugeait ces remarques tellement justes qu'elle avait envisagé de publier la lettre d'Al en lui apportant tout son soutien.[pour les lecteurs membres du CCI, une des ces lettres a été publiée dans un BIRI à l'époque]

[2] Petit appel à la mémoire : l'opportunisme n'est pas la bourgeoisie « personnifiée », c'est une maladie au sein du prolétariat. C'est ce que nous avait enseigné MC contre ceux (future FECCI) qui ne voulaient pas le comprendre. L'explication par les « corps étrangers » tend à considérer l'organisation prolétarienne comme une sorte de « diamant pur », immunisé « en soi », de par sa pure volonté et l'idée qu'elle se fait d'elle-même, et par conséquent à considérer les problèmes qu'elle rencontre comme la manifestation de « volontés » malveillantes, extérieures à elle. (…)

[3] Pour ma part, j'avais soulevé « le machiavélisme de la bourgeoisie », théorie dont j'avais déjà remarqué –avant l'éclatement de la crise interne- qu'elle partage avec la théorie de la décomposition un fond théorique commun et des implications pratiques communes en termes de renoncement au combat (...)


Home | Bulletin Communiste FICCI 15 |