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Une première attaque sur les retraites… demain d'autres attaques vont suivre...
POURQUOI N'AVONS-NOUS PAS REUSSI A FAIRE RECULER LE GOUVERNEMENT ?

Après plus d'un mois de mobilisation, voire plus pour certaines catégories d'ouvriers, les professeurs par exemple, la lutte contre les attaques sur la retraite semble reculer bien qu'il y ait encore beaucoup de grévistes et que la combativité reste forte. Cette mobilisation a touché tous les secteurs, qu'ils aient été en grève reconductible ou pas, public-privé, travailleurs actifs, chômeurs, retraités, y compris une certaine partie d'étudiants qui savent déjà que leur avenir est lié à la classe ouvrière. Que la lutte continue encore quelques temps ou pas, il est nécessaire d'en tirer un bilan et des leçons dès aujourd'hui. Car ce combat n'est qu'un premier combat. Tout le monde sait que les attaques vont redoubler dès la rentrée (licenciements, sécurité sociale, etc.) et tout le monde sait que nous allons devoir lutter de nouveau pour défendre nos conditions d'existence.

Le combat pour l'unité de tous les secteurs de la classe ouvrière

C'est comme membres à part entière de la classe ouvrière, du prolétariat, comme ouvriers, que les professeurs, les instituteurs, les fonctionnaires des impôts, les cheminots, les chauffeurs de bus, de métro, les postiers, les employés de la Banque de France, de Michelin, de Renault, d'Alstom, les employés municipaux, les éboueurs, les travailleurs de la santé et des hôpitaux, etc... ont tenu des assemblées générales, fait grève, participé aux manifestations de rue, aux délégations et comités "interprofessionnels", ont participé aux assemblées des autres secteurs... C'est avec les mêmes revendications dont la principale contre la remise en cause des retraites, contre le plan Fillon, pour le retour de tous, public et privé, au 37,5 annuités de cotisation, et avec le sentiment d'avoir les mêmes intérêts à défendre tous ensemble, que la lutte s'est développée.

Tous se sont mobilisés, se sont rencontrés, ont manifesté, avec le même objectif, le même but, la même conviction : construire une grève générale réellement unie de tous les secteurs, de toute la classe ouvrière, comme seul moyen capable d'imposer un rapport de forces pouvant imposer à l'Etat et à son gouvernement le retrait de ses plans et le recul de son attaque.

Cette combativité et cette conscience d'appartenir à la même classe sociale et de la nécessité de se battre tous ensemble contre l'agression subie, est une première étape pour la construction de la lutte massive et unie.

Cette volonté consciente de lutte unie s'est développée autour de la mobilisation des enseignants dès le début mai. Lors des manifestations du 1e mai, déjà des cortèges de professeurs en grève scandaient "public-privé grève générale !". Le 6 mai, journée d'action dans l'enseignement, de nombreux ouvriers d'autres secteurs voulaient se joindre à leur manifestation et entrer en lutte ouverte à leur tour. Tous les syndicats ont freiné cette dynamique en y opposant la journée d'action du 13 mai comme "le premier temps fort" d'une longue série. Tous les ouvriers de tous les secteurs se sont alors fixés le 13 comme le début de la grève et de la lutte unie. Et le 14 devait pour tous être le jour de la "reconduite" de la grève. Dans ce combat pour la généralisation à tous de la lutte, de multiples initiatives ont été prises dans les quartiers, dans les villes, en province comme en région parisienne : manifestations de rue interprofessionnelles, délégations aux autres entreprises, participation à leurs assemblées, aux piquets de grève (devant les dépôts de bus par exemple, mais aussi aux bureaux de poste), comités interprofessionnels pour organiser toutes ces initiatives locales, diffusion de tracts appelant à la grève générale, rassemblement à la fin des grandes manifestations lors des journées d'action afin de mobiliser et d'entraîner dans la grève reconductible, etc.

Ce début de prise en main de la lutte, de son organisation, de son extension à tous les secteurs, s'est généralisé à tout le pays et tous les secteurs. Ce sont pour le moins des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de travailleurs qui ont participé activement à ces innombrables initiatives (que nous ne pouvons citer ici) des plus grosses villes au plus petites, de Marseille à Lille, de la banlieue parisienne à Nice, de Toulon à Toulouse, à Nantes, de Clermont-Ferrand à Saint-Nazaire, de Roanne à Orléans, à Poitiers, au Havre, Châteauroux, Bourges, de Vendée jusqu'en Franche-Comté, de La Roche sur Yon à Besançon, Montbéliard, jusqu'à Briançon et Gap, Avignon, jusqu'à l'Ile de la Réunion...

Malgré tout cela, le gouvernement maintient son attaque et n'a pas reculé. Pourquoi ?

La politique de sabotage de la grève, avant et après le 13 mai par les syndicats, au premier rang la CGT, est manifeste. Alors que, dans bien des cas, les assemblées avaient décidé et voté la poursuite de la grève le 14, alors qu'elle était massivement suivie dans de nombreux secteurs, cheminots, transports urbains, RATP en particulier, dans de nombreux secteurs de La Poste, dans les hôpitaux, aux impôts, alors que la reconduite de la grève s'imposait afin d'entraîner tout le secteur public et le secteur privé dans la lutte, alors que la dynamique de lutte unie et généralisée était lancée, les syndicats s'y sont opposés et l'ont sabotée.

La CGT et ses équipes militantes ont délibérément tout fait pour arrêter la grève dans les assemblées de cheminots utilisant tous les moyens à leur disposition pour imposer à des assemblées tendues et houleuses la reprise du travail le 14 et le 15 au nom d'une journée d'action le... 3 juin ! Même chose à la RATP. Dans la fonction publique, la CGT et les autres syndicats ont lancé dès le soir du 13, devant l'ampleur de la mobilisation et de la combativité, un véritable contre-feu en appelant à une journée d'action "temps-fort" le... lundi 19 pour la seule fonction publique, véritable manoeuvre contre la poursuite de la grève dès le 14 et sa généralisation à tous les secteurs. Seuls sont restés massivement mobilisés les enseignants au plan national. Et même si dans de nombreuses villes de province, Marseille, Toulouse, la grève était largement reconduite dans de nombreux secteurs, la dynamique vers la grève unie au plan national a été alors cassée...

C'est la même opposition de la CGT et des autres "Confédérations" à la grève générale qui s'est imposée les lendemains de toutes les journées d'action jusqu'à celle du 3 juin malgré les centaines, voire les milliers d'assemblées, et les millions de grévistes et de manifestants.

Le sabotage de la grève générale par les syndicats

La multiplication des journées d'action, le 13 mai, puis le 19, puis le dimanche 25, le mardi 27, le mardi 3 juin, puis le 10, puis le 12, et maintenant le 19 juin, n'avait pour but que de repousser la grève généralisée et unie qui aurait entraîné l'ensemble de la classe ouvrière. Une fois la dynamique à la grève générale définitivement cassée, les dernières journées n'avaient et n'ont maintenant d'autre objet que d'épuiser les secteurs les plus combatifs encore en grève reconductible et de les démoraliser en les isolant. Même des syndicats "de base" tel SUD et de nombreuses sections CGT dirigées par des syndicalistes de base ou les gauchistes de LO, qui se sont prononcés aux lendemains des journées d'action pour la grève générale, ont toujours repris les appels aux journées d'action-contre-feu au nom de l'unité syndicale détournant ainsi les assemblées et les ouvriers de la lutte ouverte et frontale contre le sabotage de la grève.

Ce que prouve la "tactique de journées d'action" appelées par tous les syndicats, c'est que l'unité syndicale est toujours au service de la division des travailleurs !

La véritable unité ouvrière passe par l'affrontement aux manoeuvres et sabotages syndicaux

Même si la lutte a continué au moins fortement jusqu'au 10 juin, même si les ouvriers de l'enseignement, professeurs en tête, ont réussi à maintenir leur combativité et à entretenir celle des autres secteurs en étant la "locomotive du mouvement", il convient de reconnaître que les assemblées et l'ensemble des secteurs en lutte n'ont pu s'opposer au sabotage des syndicats malgré les multiples initiatives locales.

Comprendre que les syndicats s'opposent et s'opposeront aux luttes et à l'unité des travailleurs et de leurs assemblées est indispensable mais aussi insuffisant. L'expérience des journées d'action de la CGT et de l'accord signé par la CFDT avec le gouvernement après le 13 mai montre que leur laisser la direction de la lutte mène à la division et à l'impuissance.

C'est aux ouvriers, à tous les ouvriers, de prendre en charge leur lutte et son organisation. Au moyen des assemblées, des délégations massives, des comités de grève quand c'est possible, avec des délégués mandatés et révocables devant les assemblées, des comités "interprofessionnels" ou autre "coordination", des comités de lutte et autres regroupements pour se mobiliser . C'est aux ouvriers et aux assemblées d'imposer les revendications de la lutte et les lieux et dates des initiatives, et en particulier des manifestations. C'est aux assemblées par la participation active du plus grand nombre qu'il appartient de faire respecter les décisions prises et que sabotent les syndicats.

Les ouvriers professeurs, et avec eux de nombreux autres, cheminots, travailleurs de la RATP, postiers, etc., n'ont pas suivi ou attendu les directives défaitistes des syndicats et ont commencé à prendre directement en main leur lutte. Ils ont montré que les "spécialistes" de la lutte, de son déclenchement, de ses formes, grève, manifestations, assemblées, comités, délégations, ne sont pas les syndicats mais les ouvriers eux-mêmes, l'ensemble des ouvriers.

Cette prise en main pour développer et organiser la lutte, signifie aussi s'opposer activement, résolument, sans découragement, ni timidité, aux sabotages et aux manoeuvres des syndicats, dans les assemblées, dans les manifestations et dans toutes les autres expressions du combat.

Cette lutte pour la défense des retraites en appelle nécessairement d'autres.

Les attaques de la société capitaliste contre la classe ouvrière vont continuer. Elles sont même déjà annoncées sur la sécurité sociale et les licenciements redoublent. Aujourd'hui, c'est dans tous les pays que la bourgeoisie attaque la classe ouvrière. A l'heure où les mêmes attaques sont portées contre la classe ouvrière en Autriche, en Italie, ce n'est pas un hasard si la presse et les médias européens ne disent rien sur la lutte ouvrière en France. Après la guerre en Irak et la paupérisation de la population mondiale, c'est toute la classe ouvrière internationale, particulièrement en Europe, qui se rend compte que la société capitaliste ne peut apporter au monde que guerre et misère généralisée chaque fois plus grande. C'est aussi pour cela qu'un des slogans des manifestations parmi les plus repris est "de cette société-là, on n'en veut pas !". Effectivement, il faut détruire le capitalisme et instaurer une autre société basée non sur les profits mais sur la satisfaction des besoins humains.

Ce combat révolutionnaire passe en premier lieu par le refus des sacrifices et de l'austérité capitalistes. Il passe par la lutte contre les attaques qui nous sont faites. Dans les combats d'aujourd'hui, y compris dans celui contre la remise en cause de la retraite, se jouent les combats à venir.

Suivre les syndicats et leur laisser la direction de la lutte mène à la défaite. C'est aux assemblées générales et à leur centralisation en comité de grève de décider et d'assumer la direction de la mobilisation !

Chaque ouvrier, chaque salarié, chaque travailleur, chaque prolétaire doit devenir un militant, c'est-à-dire un participant et un décideur actif, de la lutte sous toutes ses formes.

Les prolétaires doivent prendre leur lutte en main et les organiser eux-mêmes !

(15 juin 2003)


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