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Echange de correspondance

Bilan sur une réunion de lecteurs du PCI-Le Prolétaire

Nous publions ci-dessous des extraits d’une correspondance que nous avons adressée au PCI-Le Prolétaire suite à la réunion de lecteurs que tenait cette organisation en novembre 2003 à Paris, suivie d’une contribution personnelle d’un camarade de la fraction sur un point particulier abordé lors de cette même réunion.

En publiant ces textes, nous espérons encourager le lecteur à participer à ces réunions qui tendent à devenir les seuls lieux de débat, d’échange et de confrontation des positions révolutionnaires.


Lettre de la Fraction au PCI-Le Prolétaire

Le 9 janvier 2004

Chers camarades,

Nous tenions, même avec retard, à vous faire part formellement de notre appréciation (une fois n’est pas coutume !) à propos de la réunion de lecteurs du 29 novembre à laquelle nous avons participé.

L’importance politique que revêtent de telles réunions doit être soulignée, cela à plusieurs titres :

 D’une manière générale, de telles réunions sont un lieu précieux à la fois pour l’exposition et la défense des positions politiques d’un groupe révolutionnaire, en l’occurrence le vôtre ; pour la confrontation des positions divergentes qui peuvent s’exprimer de la part de participants ou d’autres groupes révolutionnaires ou militants ; pour l’assimilation politique et l’homogénéisation des positions révolutionnaires ;

Elles constituent également un lieu privilégié pour le combat contre l’idéologie bourgeoise si étouffante et prégnante, cela sous toutes ses formes ;

 La période que nous vivons avec à la fois l’accélération des tensions guerrières (sans entrer ici dans l’analyse d’une tendance se dessinant ou non vers une bi-polarisation des puissances impérialistes autour de deux pôles), la crise économique et les expressions de luttes ouvrières successives (sans entrer là encore dans l’analyse ou non d’une reprise de la lutte de classe), tous ces éléments convergent, mettant au premier plan et de manière crue les enjeux historiques, guerre ou révolution. Dans ce processus les responsabilités des révolutionnaires sont immenses ; leur intervention et leur détermination sont décisives, comme vous l’avez souligné encore lors de cette réunion. Les réunions, telles que vous les proposez, sont un lieu essentiel dans ce sens. Le nombre de participants, même s’il peut revêtir un caractère « intime », confirme néanmoins l’existence de préoccupations incontestables autour des positions prolétariennes.

 Malheureusement nous ne pouvons que constater, vous en conviendrez, que ce type de réunion est largement trop rare. Le CCI qui s’était constitué en grande partie autour d’une orientation politique résolument tournée vers le regroupement des forces révolutionnaires et qui, dans le cadre de cette orientation, avait toujours privilégié ce type de réunions (réunions publiques, permanences…), contribuant à en préciser les contours, les objectifs, les limites mêmes, a totalement failli devant cette responsabilité : outre qu’il n’en fait plus aujourd’hui son activité prioritaire, comme en témoignent les « nouveaux » principes d’exclusion mis en œuvre, ce sont les sympathisants eux-mêmes qui désertent ces réunions. Il devient de plus en plus clair que par son attitude, le CCI tend de plus en plus à repousser, dégoûter les éléments susceptibles d’être intéressés par les questions politiques, et il les abandonne sans autre perspective que l’isolement. Nous regrettons sincèrement cet état de fait. Bilan de tout cela : de lieu réellement vivant, tel que nous l’avons exposé plus haut, il ne reste que vos propres réunions de lecteurs, du moins en région parisienne.

C’est donc en considération de ces différents éléments que notre fraction assiste et participe avec enthousiasme à vos réunions. C’est pourquoi aussi nous nous faisons un point d’honneur de respecter et le cadre et la démarche que vous impulsez au sein de ces réunions. (…)

Nous espérons que ces quelques réflexions pourront contribuer à vous éclairer sur le sens de notre démarche, le sens de nos interventions lors de cette réunion. Il va de soi que nous continuerons à y participer à l’avenir dans le même esprit visant à une confrontation saine et que nous souhaitons enrichissante, des positions et problèmes auxquels notre classe est confrontée ; y inclus ceux que le CCI, l’organisation qui nous a exclus, rencontre depuis quelques années et à propos desquels vous vous engagiez, lors d’une de vos précédente réunion, à participer plus activement.

Recevez nos salutations communistes.

La fraction

PS : Nous joignons à notre lettre la contribution d’un camarade de la fraction, portant sur un point théorique abordé lors de la même réunion.


Contribution d’un camarade de la fraction
La question économique à la réunion des lecteurs du PCI.

A la dernière réunion des lecteurs du PCI à Paris (29 novembre) des discussions ont porté sur les questions économiques et sur la crise économique actuelle. Une intervention préparée d’un lecteur a cherché entre autre à montrer que la crise économique et la récession actuelle avaient la même forme que les crises classiques du capitalisme décrites par Marx au XIX° siècle.

Cette intervention a nécessité une réponse d’un membre de la Fraction montrant le déroulement des crises économiques classiques au XIX° siècle. En 1900, Karl Kautsky a fourni une explication magistrale de ce phénomène dans le Neue Zeit. (1) Comment décrit-il les crises cycliques ?

Le processus démarre quand la prospérité entraîne la hausse des prix des matières premières et que cette hausse est plus rapide que l’indice général des prix. Cela est dû au fait qu'il est en effet plus facile d’augmenter la production industrielle que l’extraction des minerais, des matières premières ou de la production agricole. D’autre part, le développement continu de la production absorbe tous les capitaux disponibles, ce qui suscite la hausse des taux d’intérêt. La marge bénéficiaire des capitalistes se resserre donc à la suite de la hausse des prix de revient, grevés par les prix élevés des matières premières, par la montée des salaires et par l’ascension des taux d’intérêt.

C’est à ce moment précis que la demande commence à fléchir et que les prix des produits finis cessent de grimper. Cela entraîne le fait que les stocks commencent à s’accumuler et que les fonds liquides se figent en face des marchandises, en grand nombre, immobilisées. Les marges bénéficiaires se rétrécissent d’autant. Les entreprises les moins performantes, ayant un outillage plus ancien et moins performant, parviennent à des prix de revient au-dessus de la moyenne, voient leurs bénéfices fondre et, par conséquent, n’arrivent plus à faire face à leurs engagements. Elles s’écroulent, entraînant dans leur débâcle leurs fournisseurs et leurs banquiers. L’épidémie se propage, la spéculation en bourse l’aggrave et la crise se généralise.

Cette description de Kautsky correspond absolument à la réalité. Les crises sont dues au fait que la consommation retarde de plus en plus sur la production.

Au XX° siècle les crises économiques n’ont plus les mêmes caractéristiques.

Citons Frédéric Engels dans Le dernier livre du Capital qui a déjà compris les changements dans les manifestations des crises économiques à la fin du XIX° siècle : “La forme aiguë du processus périodique avec son ancien cycle décennal semble avoir fait place à une alternance plus chronique, plus étendue, se répartissant à des moments différents sur les divers pays industriels, d’amélioration brève et peu accentuée avec un marasme relativement long, mais sans influence décisive.»

La crise économique de 1929 conserve un peu les caractéristiques de brutalité et la forme aiguë décrite par Engels. Depuis lors, toutes les crises économiques ont été amorties par les mesures capitalistes d’Etat au niveau international imposées par le directoire du bloc américain dominant. Cette situation semble être moins évidente depuis l’effondrement du bloc de l’Est. La fin du directoire US a abouti à ce que les crises économiques soient moins managées et connaissent des phénomènes plus violents : éclatement de « bulles » monétaires, crise asiatique,…

Le camarade du PCI a reconnu la réalité de ces nouveaux phénomènes en développant les positions défendues par Bordiga à la fin des années 40 sur les caractéristiques des crises économiques. C’était la première fois que nous entendions le contenu de cette réflexion ; elle est assez originale pour mériter d’être mise à la portée de tous les militants révolutionnaires. Souhaitons en la publication.

Indépendamment de cela nous estimons nécessaire en priorité de répondre à une intervention surréaliste et très pédante faite par un ancien sympathisant du CCI qui nous a « fait la leçon » en critiquant toutes les visions exprimées avant lui au cours de la réunion et qu’il disait être « économiscistes » . Il disait en substance que l’analyse économique ne menait pas bien loin et que, par contre, elle pouvait être dangereuse s’il l’on voyait l’économie en soi comme cela semblait avoir été fait auparavant dans la réunion. Le lecteur jugera si ce qui est dit précédemment n’est pas marxiste. Il a alors développé, mais de façon filandreuse, l’idée que la vision politique était la seule valable pour comprendre l’évolution des situations.

Nous ne ferons pas injure au camarade en développant le marxisme et en rappelant trop longtemps tout le travail et le temps passé par Marx tout au long de sa vie sur les questions économiques. Nous pensons seulement que ses paroles ont dépassé ses pensées !

Par contre, il nous semble intéressant de rappeler, pour notre enseignement à tous, la méthode de Lénine pour l’analyse des situations.

Dans son discours sur le Programme (19 mars 1919, Rapport et Discours de clôture (2) ), il dit qu’il faut pour rédiger un programme, partir « toujours et avant tout, d’une analyse économique exacte » et le faire avec la plus grande rigueur et en partant de « ce qui est » (p. 166), c’est à dire « ce qui est établi d’une façon absolue » (p.187). Et répondant à des objections, il assume pleinement la nécessité de « considérer la révolution en économiste » (p. 192).

Mais citons surtout les Thèses de Lénine sur la question nationale et coloniale dans lesquelles il décrit les règles de sa méthode. « Le PC, interprète conscient du prolétariat, (..) doit (…) mettre au premier plan, non pas des principes abstraits ou formels, mais 1° une appréciation exacte de la situation historique concrète et avant tout économique ; 2° une discrimination très nette entre les intérêts des classes opprimées, des travailleurs, des exploités et l’idée générale des intérêts populaires en général (…) » (3). Ce texte montre bien comment pour Lénine, selon son heureuse formule, la politique concentre l’économie.

Nous espérons que le camarade se reconnaîtra et mettra à profit la leçon de Lénine. Nous en resterons là et, très modestement, nous demandons au camarade qui plusieurs fois dans des réunions de lecteurs du PCI, s’est paré de l’étiquette de « bon marxiste », de relire les textes classiques. Cela lui serait nécessaire avant de s’exprimer trop rapidement.

Ol.



1. Arguments reproduits d’après Lucien Laurat dans Bilans, 100 années d’économie mondiale, éditions du Carrefour, Paris, 1931.

2. Lénine, Œuvres, t. 29, p.163 à 184 et 185 à 196

3. Lénine, Œuvres, t. 31, p. 146


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