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Contresens dans la théorie de la décomposition et les pas du CCI vers l'opportunisme

Avec le titre anglais"Les attaques terroristes sur Madrid sont un acte de guerre" ("Madrid : terrorist attacks are acts of capitalist war"), et sous le titre français "le capitalisme sème la mort", le CCI a publié sur son site web (et maintenant dans ses publications d'avril) une prise de position sur le massacre du 11 mars. Dans cette prise de position, de nouveau le CCI arrange la situation à l'aune de sa théorie sur "la décomposition et le chaos du capitalisme". Nous n'aurions pas de critiques à ajouter à celles que nous avons déjà faites (1),s'il n'y avait pas un petit détail sur lequel nous voulionsrevenir. Alors que la théorie de la décomposition et duchaos (qui avait été formulée pour essayerd'expliquer la période suivant la chute du bloc de l'Est et lafin de l'URSS) reste figée pour l'actuel CCI, la réalité par contre continue à évoluer ce qui conduit à ce que cette théorie accumule contresens sur contresens et que, face à chaque nouvel événement, elle se révèle chaque fois plus comme un dogme qui s'applique à tout ce qui arrive en substitution de l'analyse. C'est ce que nous allons voir.

Du "règne du chacun pour soi" au règne de la réalité du capitalisme

Selon la théorie du CCI sur la décomposition, la tendance qui s'impose toujours plus dans toutes les dimensions de la société, et particulièrement dans les relations impérialistes, est celle au "chacun pour soi".

"La tendance au chaos généralisé détermine les affrontements impérialistes depuis la fin des années 1980, période durant laquelle le capitalisme est entré dans sa phase de décomposition. Le cadre constitué par l'affrontement entre blocs impérialistes, mis en place après la Seconde Guerre mondiale, laisse la place au règne du « chacun pour soi»" (Révolution internationale 345, avril 2004, Attentats terroristes à Madrid : Le capitalisme sème la mort, souligné par nous. Toutes les citations à venir sont de ce texte)

Quand à l'origine cette théorie avait été formulée au moment de la chute du bloc de l'Est à la fin des années 1980, et avec la notion du "chacun pour soi", le CCI relevait aussi l'existence d'une "contre-tendance" : la tendance constante dans le capitalisme décadent à la formation d'un nouveau jeu de blocs impérialistes qui s'exprimait à partir de ce moment-là dans la possibilité embryonnaire à ce que l'Allemagne se présente comme le candidat le plus apte à prendre la tête d'un bloc opposé à celui formé par les Etats-Unis. Cependant, peu à peu, ce second aspect a été abandonné. Et le premier a été privilégié chaque fois plus jusqu'à arriver à la formulation actuelle. Aujourd'hui, nous serions définitivement installés dans le "règne" du chacun pour soi. Le CCI en a déduit que la tendance à former de nouveaux blocs impérialistes s'est de plus en plus éloignée et, donc, qu'une guerre impérialiste généralisée serait toujours moins probable - relevons au passage que Révolution internationale 345 d'avril a un autre titre au contenu politique différent que celui de World Revolution : "Attentats terroristes à Madrid : Le capitalisme sème la mort" pour ce même texte (2). En échange, le capitalisme s'acheminerait vers une situationde guerres régionales croissantes, "irrationnelles",sans contrôle de la part des grandes puissances, de "guerrestoujours plus meurtrières, des attentats toujours plus barbares"...

Le problème est que cette notion acquiert, au sein du CCI, le rang de loi éternelle du capitalisme alors même que l'évolution de la situation du capitalisme y apporte un démenti. Ainsi, à la veille de la guerre en Irak, quand est apparue pour la première fois, de manière ouverte et provocatrice, l'alliance germano-française qui s'est mise à la tête d'un ensemble de pays opposés à la politique des Etats-Unis, le CCI n'était déjà pas capable de s'interroger sur la validité de sa position. Et tous les événements sur la scène impérialiste à partir de 2001 qui ont joué dans le sens du renforcement de ce que nous avons appelé l'actuelle tendance vers la bipolarisation, c'est-à-dire la tendance vers la formation d'un nouveau jeu de blocs impérialistes, ont été niés, cachés ou sous-estimés par le CCI alors même qu'ils étaient chaque fois plus ouverts, importants et évidents. Le fait est qu'ils entrent en contradiction avec la théorie du "règne du chaos et du chacun pour soi".

Ce n'est que face au poids des événements vers la bipolarisation que le CCI n'a eu d'autre solution que de commencer à les mentionner dans certains de ses écrits récents. De ce fait, le CCI écrit qu'avec la défaite du parti d'Aznar (qui a appuyé fermement la politique de Bush) et la déclaration du nouveau gouvernement de Zapatero sur le retrait des troupes espagnoles d'Irak, les attentats de Madrid se sont traduits par "un camouflet pour l'administration américaine, et une victoire incontestable pour le tandem franco-allemand qui anime aujourd'hui l'opposition à la diplomatie américaine".

Mais si on parle de "tandem", d'une alliance entre l'Allemagne et la France, qui en outre est capable d'entraîner derrière elle un ensemble de pays pour s'opposer aux Etats-Unis, on quitte le "règne du chacun pour soi" pour entrer dans le règne de la réalité du capitalisme, dans celui de la tendance de chaque bourgeoisie nationale à jouer ses propres cartes qui ne contredit pas la tendance à s'allier ou à se subordonner à d'autres au nom de la défense de ses propres intérêts.

En outre, tout comme dans d'autres documents récents du CCI, l'expression que nous venons de citer a, dans la totalité du texte un caractère furtif, honteux, complétement accidentel. Le CCI n'a pas été capable de se centrer sur la succession accélérée d'événements qui vont dans le même sens. Il n'a pas été capable de dégager l'importance, ni la signification historique de la création de ce "tandem franco-allemand" ; ni même de reconnaître que la tendance à la bipolarisation est de nouveau au premier plan de la scène des rivalités impérialistes. Car tout cela va dans le sens contraire de sa "théorie du chacun pour soi". Dans cette attitude, se reflète clairement l'enfermement théorique, le dogmatisme, dans lequel s'enfonce toujours plus cette organisation. Mais cela n'est pas le plus grave. Derrière ce dogmatisme, repose une position politique qui ouvre chaque fois plus les portes à l'opportunisme.

Terrorisme et opportunisme

La prise de position du CCI sur les attentats du 11 mars a comme axe la question du terrorisme. Le texte revient sur la transformation historique du terrorisme qui, après avoir été une expression de la petite-bourgeoisie plus ou moins manipulée, s'est converti en un instrument directement créé et utilisé par la bourgeoisie pour règler ses rivalités. "Des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution du terrorisme confirme pleinement cette caractéristique d'instrument utilisé par les diverses fractions de la bourgeoisie nationale ou par chaque impérialisme dans leur lutte contre les rivaux internes ou sur l'arène impérialiste. Le terrorisme est ainsi un enfant chéri du capitalisme (...)".

Cette position sur le terrorisme est celle du CCI depuis les origines de l'organisation. Cependant, ces dernières années, nous avons vu que le CCI a progressivement adapté sa conception sur le terrorisme à la théorie de la décomposition. Cette "approfondissement" théorique illustre clairement l'évolution politique actuelle du CCI :

"Au fur et à mesure de l'avancée de la décomposition de la société capitaliste prolifèreront comme des rats ses sous-produits que sont les fractions les plus irresponsables et irrationnelles dont s'alimentent toutes les bandes terroristes, les seigneurs de la guerre, les gangsters locaux, etc., qui disposent non seulement de moyens de destructions inégalés mais aussi de quantité de " parrains " à qui profitent leurs crimes. Après l'attentat des Tours jumelles, nous écrivions : «nousne pouvons pas affirmer avec certitude aujourd'hui si Oussama BenLaden est vraiment responsable de l'attaque des Twin Towers, commel'en accuse l'Etat américain. Mais, si l'hypothèse Ben Laden s'avérait juste, c'est véritablement le cas d'un seigneur de la guerre devenu incontrôlable par ses anciens maîtres» (Revue internationale, n° 107). Effectivement, nous avons ici un exemple d'une caractéristique cruciale de l'évolution vers la généralisation de la barbarie : indépendamment de savoir quelle puissance impérialiste ou fraction de la bourgeoisie tire profit des actions terroristes, celles-ci tendent toujours plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance. (...) Comme pour l'apprenti sorcier, la " créature " tend à devenir incontrôlable".

Nous avons ici, en résumé -ça n'échappera à aucun lecteur attentif-, toute une nouvelle conception sur la conformation actuelle de la bourgeoisie. En premier lieu, le CCI actuel parle de fractions "irresponsables et irrationnelles" ; mais alors, on peut en déduire par simple logique que, en contrepartie, d'autres fractions "rationnelles et responsables" doivent exister - sinon on ne parlerait pas de "fractions" mais de l'ensemble de la bourgeoisie. Ce n'est pas la première fois que le CCI émet cette notion. Par exemple, dans son article sur l'aggravation du conflit entre l'Inde et le Pakistan (Revue internationale 110, Inde-Pakistan : la folie meurtrière du capitalisme) et le danger d'une guerre nucléaire entre les deux Etats, le CCI se référait justement à ceux-ci comme à deux fractions irresponsables ; et en contrepartie, les Etats-Unis étaient présentés, au contraire, comme essayant de diminuer la tension et comme facteur d'ordre et de paix (3).

Endeuxième lieu, le CCI défend, explicitement et demanière insistante, l'idée que les groupes terroristes,s'ils sont un produit de la bourgeoisie, tendent chaque fois plus à "échapper au contrôle" de leurs créateurs, qu'ils deviennent chaque fois plus "incontrolables". Cette idée est source de contresens qui s'expriment ouvertement dans cet article. Ainsi, par exemple, après avoir établi que Ben Laden serait un cas typique de "perte de contrôle" de la bourgeoisie, tout de suite après on dit exactement le contraire : puisque l'attaque des Twin Towers de New-York a servi les intérêts belliqueux des Etats-Unis, il serait donc "tout à fait légitime de se demander si l'incroyable «imprévoyance» des services secrets américains avant le 11 septembre ne résultait pas tout simplement de leur volonté de «laisser faire» Al Qaïda". De quoi s'agit-il donc ? D'une "perte de contrôle" ou d'un "laisser faire" en connaissance de cause ? Dans ce dernier cas, il ne s'agirait plus d'une "perte de contrôle" de la part de la bourgeoisie américaine mais de tout le contraire : il s'agirait d'un contrôle total de la situation au point de "permettre" - nous dirions plutôt de provoquer ou même de planifier - une action qui irait comme un gant pour pouvoir lancer ses projets de guerre dans les années suivantes avec le soutien total de la population travailleuse (4).

Maisla position du CCI ne se réduit pas à la simpleaccumulation de contresens les uns après les autres. Si onreconnaît qu'une différence existe entre les fractions"irresponsables et irrationnelles"et celles "rationnelles et responsables", et en mêmetemps que les groupes terroristes ne sont plus sous le contrôlede la bourgeoisie qui les a créés, on en arrive alorspar force à la conclusion que peuvent exister des fractions dela bourgeoisie qui, bien qu'elles "tirent profit" desactions terroristes, ne provoquent pas ces actions, n'en sont pas les responsables. On ouvre ainsi la porte à la possibilité de choisir entre une fraction bourgeoise considérée comme "irrationnelle, irresponsable, terroriste" et une autre considérée par contre comme plus "rationnelle, responsable et.... pacifiste". On ouvre ainsi la voie à la domination de l'idéologie bourgeoise et à sa propagande de préparation pour la guerre aujourd'hui en vogue. On ouvre ainsi le passage à l'opportunisme, à la collaboration de classes. Sommes-nous en train de trop spéculer ? Que celui qui pense ainsi, lise avec attention la prise de position du CCI sur le massacre de Madrid et il pourra vérifier comment la "vision" du CCI épouse la "vision" présentée par la bourgeoisie, comment il apporte de l'eau au moulin de "l'argumentaire" et des thèmes idéologiques des Etats qui, depuis le 11 septembre 2001, visent à enchaîner et à entraîner les ouvriers derrière l'union nationale dans la "guerre contre le terrorisme"... incontrôlé et irrationnel.

Solidarité citoyenne ou solidarité de classe ?

Le CCI continue à affirmer que l'alternative historique est "socialisme ou barbarie". Il a "seulement" exprimé, dans le cadre de la théorie de la décomposition, la particularité selon laquelle le capitalisme ne marcherait plus vers une guerre généralisée, mais précisément vers une chute chaque fois plus profonde dans la décomposition au travers de guerres régionales, de famines, de catastrophes écologiques, d'épidémies, etc. En lien avec cela, le CCI a déjà exprimé théoriquement la notion de troisième voie, c'est-à-dire une situation dans laquelle le prolétariat pourrait perdre petit à petit sa capacité de répondre sur son terrain de classe sans avoir été défait dans un combat ouvert contre le capital (5) ;simplement à partir de la poursuite indéfinie de lapériode de "décomposition". Celle-ci leconduirait à une espèce de désagrégation,de démoralisation et d'affaiblissement -ici le "chacunpour soi" entrerait de nouveau en action- qui le rendraitincapable d'affronter comme classe la bourgeoisie ; et dans lamesure où la bourgeoisie ne marcherait pas non plus vers uneguerre impérialiste généralisée, lasociété chuterait donc dans une décompositioncroissante et indéfinie jusqu'à sa fin possible."Pratiquement", derrière cette conceptionapocalyptique, on trouve la justification de la tendance au retraitdu CCI dans l'intervention et dans la tendance ces derniers mois àla négation, à la sous-estimation, et même à la dissimulation ou à l'ignorance volontaire des luttes ouvrières et plus spécialement de la reprise internationale de celles-ci (6). C'est cette position qui s'exprime aussi dans sa prise de positionsur le massacre de Madrid. Que lisons-nous dans la dernièrepartie intitulée : "En finir avec lecapitalisme !" ?:

“Dans lespremiers instants qui ont suivi l'attentat, avant même quen'interviennentles organes de secours de l'Etat, ce sont lesvictimes elles-mêmes, les travailleurs et les enfants de laclasse ouvrière qui voyageaient dans les " trains de lamort " ou qui se trouvaient dans les gares sinistrées, ceux qui vivent dans les quartiers de Santa Eugenia ou de El Pozo qui ont secouru les blessés, qui ont recouvert de linceuls de fortune les cadavres éparpillés sur les voies. Ils étaient au plus haut point animés par un sentiment de solidarité. C'est cette solidarité qu'ont exprimée des milliers et des milliers de personnes qui ont donné leur sang, qui ont accouru pour proposer leur aide dans les hôpitaux, mais aussi les pompiers, les travailleurs sociaux et ceux de la santé qui ont volontairement travaillé au-delà de leur temps de travail salarié malgré la dramatique absence de moyens due aux économies imposées par les mesures d'austérité de l'Etat en ce qui concerne le matériel sanitaire ou de protection civile.

Les révolutionnaires et l'ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut et fort, leur solidarité avec les victimes. Seul le développement de la solidarité dont est porteuse la classe ouvrière en tant que classe révolutionnaire, et qui s'exprime notamment par son combat contre le capitalisme, pourra créer les bases d'une société dans laquelle ces crimes, cette exploitation, cette barbarie abominables pourront être définitivement dépassés et abolis. L'indignation de la classe ouvrière envers l'abominable attentat, sa solidarité naturelle avec les victimes a été manipulée par le capital et dévoyée dans le sens de la défense de ses intérêts et objectifs" (souligné par nous).

Derrière cette manière, radicale, émotionnelle et indignée, de s'exprimer, le CCI tend en réalité à chanceler dangereusement au plan politique. Il nous parle du "sentiment de solidarité" envers les blessés, du fait que "les révolutionnaires doivent proclamer leur solidarité" envers les victimes, et ensuite de la "solidarité dans la lutte". Mais sans faire de différence entre ces formes de "solidarité". En les généralisant, en les égalisant, en les liant comme si de la première pouvait surgir la deuxième. Et cela bien que le CCI lui-même reconnaisse que la bourgeoisie "a manipulé" le "sentiment de solidarité" envers les blessés. Mais est-ce que, par hasard, le CCI croyait qu'il pouvait en être autrement ? Est-ce que l'actuel CCI croit que c'est par hasard, circonstanciellement, que la bourgeoisie a, non seulement manipulé, mais délibérément impulsé à travers les médias cette forme de "solidarité" dans laquelle les "citoyens", sans distinction de classe, peuvent agir ensemble et, en plus, collaborer avec les services de l'Etat ? Le CCI aurait-il oublié qu'il est dans ces moments-là d'importance vitale pour la bourgeoisie d'impulser ce type de "solidarité" diffuse qui se marie parfaitement avec "l'unité nationale" derrière l'Etat ? Aurait-il oublié que cette "solidarité" est en opposition complète avec la solidarité de classe dont le prolétariat a fait preuve dernièrement ? Aurait-il oublié que la solidarité de classe comporte précisèment une rupture avec "l'unité nationale" ? Ne voit-il plus qu'il existe un rapport entre l'appel des médias à "donner son sang" et l'appel qui en découle nécessairement, à marcher derrière la bourgeoisie dans "l'unité nationale contre le terrorisme" ? En mélangeant la solidarité envers les blessés avec la solidarité de classe dans la lutte, le CCI actuel ne contribue plus à la clarification des intérêts de la classe ouvrière. Par contre, il contribue à la confusion entre solidarité citoyenne derrière l'Etat et solidarité de classe contre l'Etat. Mais ce n'est pas tout.

Le CCI nous parle avec des larmes dans les yeux de la "solidarité des ouvriers" envers les victimes. Cependant, il ne lui est pas apparu important de mentionner, ne serait-ce qu’en passant, les manifestations concrètes de véritable solidarité de classe, dans la lutte, dont le prolétariat a fait preuve ces derniers mois, spécialement en Europe (France, Grande-Bretagne, Italie..., cf. notre bulletin 23 ou Battaglia comunista de janvier et février 2004). Or c'est justement là que se trouve le dilemme crucial de l'heure pour la classe ouvrière ! C'est-à-dire, soit le prolétariat continue à developper ses luttes, sur son terrain de classe, comme il a commencé à le faire ces derniers mois, ce qui constitue un frein aux tendances guerrières de la bourgeoisie, soit il gobe la duperie de la "solidarité citoyenne contre le terrorisme", il accepte l'unité nationale, il accepte de marcher derrière sa bourgeoisie et il lui facilite ainsi la continuation de ses préparatifs guerriers. C'est dans ce dilemme qu'on doit chercher les causes du massacre de Madrid. Et non dans le "terrorisme irrationnel et incontrôlé" !

Il est certain que le CCI continue encore à être capable de dénoncer comme un mensonge, "les doses de patriotisme distillées tant par la droite (Aznar déclarant : «ils sont morts parce qu'ils étaient Espagnols») que par la gauche de la bourgeoisie («si l'Espagne n'avait pas participé à la guerre en Irak, ces attentats n'auraient pas eu lieu») ne cherchent qu'à faire avaler aux prolétaires que l'intérêt de la nation est aussi le leur" (notons au passage qu'on se réfère uniquement à l'Espagne sans reconnaître la dimension internationale des campagnes patriotiques autour du massacre de Madrid). Par contre, il n'est pas capable d'expliquer pourquoi il serait aussi important pour la bourgeoisie, précisément à ce moment-là, d'administrer de telles "doses de patriotisme" à la classe ouvrière. Enfermé dans son cadre "d'analyse" du règne du chacun pour soi, non seulement il lui est de plus en plus difficile de faire ressortir la signification profonde d'événements tels que les attentats de Madrid, mais il se contente de les décrire de manière émotionnelle et de les condamner moralement. Pire encore, il tend chaque fois plus à accepter comme des vérités les "mensonges" de la bourgeoisie tels que celui sur le "terrorisme incontrôlé" ou sur la "solidarité citoyenne". Ainsi, face à chaque événement grave, d'importance internationale, le CCI ouvre un peu plus la porte à l'opportunisme...

Camarades du CCI, la pièce de monnaie - notre organisation - jetée en l'air, finira tôt ou tard par retomber sur le sol. Mais de quel côté, camarades ?

Le terrorisme échappe-t-il au contrôle de la bourgeoisie comme le prétend le CCI actuel ?

Les actions terroristes "tendent toujours plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance. (...) Comme pour l'apprenti sorcier, la «créature» tend à devenir incontrôlable" affirme le nouveau CCI. C'est exactement ce que disent les gouvernements et les médias de la bourgeoisie justifiant ainsi leurs appels à l'unité nationale et à "la lutte contre le terrorisme".

Dans les pages précédentes, le lecteur aura lu notre prise de position, celle du CCI de toujours aujourd'hui en voie de liquidation, et celle du BIPR selon laquelle "le terrorisme est devenu une des armes de la guerre en cours entre les puissances impérialistes" (BIPR, Le terrorisme est une des armes de la guerre impérialiste). Pour aider ceux qui pourraient s'interroger sur le sujet ou être "sensibles" à la corde émotionnelle jouée par la bourgeoisie et... le CCI, voici ce qu'en disent, discrètement, des "experts" reconnus de la bourgeoisie :

"Sur une question clé, la tension reste entre les approches américaine et européenne sur le financement terroriste : l'identification des organisations terroristes et le gel de leurs avoirs (...). En septembre dernier, sous la pression américaine et après qu'un bus ait explosé en Israël, l'Union européenne a ajouté le Hamas à sa liste abandonnant l'argument que seule son aile militaire était engagée dans le terrorisme. Mais plusieurs réseaux de financement islamique actifs en Europe qui sont suspectés de rassembler l'argent pour les groupes terroristes sont aussi sur la liste américaine et non sur celle des Européens (...). Les approches différentes sur les réseaux de financement reflètent les différences transatlantiques" (Anne C. Richard, International Herald Tribune, 19 mars 2004, souligné par nous).

La Fraction, 25 mars 2004.


Notes:

1. Cf. nos différents bulletins et nos textes soit sur la situationinternationale et nos critiques des résolutions et positions du CCI adoptées sur lesujet (n°4, 5, 6, 9, 11, 14, 18, 21, 22 et 23), soit notre critique de la nouvelleméthode "idéaliste" et spéculative développée par le CCI liquidationniste et opportuniste d'aujourd'hui (n°3, 6, 15, 21).

2. De fait, le titre de WR n'exclut pas la dynamique vers la guerreimpérialiste, alors que celui de RI tend à rejeter toute idée detendance à la guerre impérialiste. Ce n'est pas un hasard. En effet, c'est dans RI que domine sans retenu, sans opposition (c'est le fruit de la lutte contre le "clanisme"), le noyau dur de la faction liquidationniste qui est la principale porteuse de l'actuelle théorie opportuniste de la décomposition et qui "liquide" volontairement, consciemment, les acquis politiques du CCI.
Nous renvoyons notre lecteur à l'article critique de la presse du CCI sur les luttes ouvrières dans notre bulletin précédent qui mettait en évidence la tendance ouvertement opportuniste dominant dans la section en France et la tendance centriste résistant dans certaines autres sections territoriales, en particulier World Revolution et Internationalism.

3. "Aussi, les bourgeoisies des pays développés,américaine et britannique en tête, se sont réellement inquiétées de la possibilité d'un scénario catastrophe dont pourrait résulter des millions de morts. Et il aura fallu, suite à l'échec de la conférence des pays d'Asie centrale au Kazakhstan sous la houlette d'un Poutine, téléguidé pour l'occasion par la Maison Blanche, que les Etats-Unis pèsent de tout leur poids en envoyant le secrétaire d'Etat à la défense, Donald Rumsfeld, à Karachi et par l'intervention directe de Bush auprès des dirigeants indiens et pakistanais, pour faire tomber la tension. Cependant, comme le reconnaissent eux-mêmes les responsables occidentaux, les risques de dérapage ne sont que momentanément écartés, rien n'est réglé (...).
Aujourd’hui, les grandes puissances, Etats-Unis en tête, sont certainement très inquiètes de la possibilité de voir éclater une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, mais ce n'est pas pour des raisons humanitaires, loin s'en faut. Elles sont avant tout soucieuses d'empêcher que ne se développe une nouvelle étape, qui serait sans précédent, dans l'aggravation du "chacun pour soi" qui règne sur la planète depuis l'effondrement du bloc de l'Est et la disparition du bloc rival de l'Ouest"
(Revue internationale 110, Inde-Pakistan  la folie meurtrière du capitalisme, juin 2002, souligné par nous).

4. Le CCI lui-même en est arrivé et à notre avis avecraison, à faire une analogie entre l'attaque contre les Twin Towers et Pearl Harbor,l'attaque du Japon sur une base navale américaine "par hasard" sans protection cequi a justifié l'entrée des Etats-Unis dans la Seconde guerre mondiale.

5. "La crise économique (...) continue à s'approfondir,mais contrairement à la période de 1968 à 1989, alors que l'issue de cescontradictions de classe ne pouvait être que la guerre ou la révolution, la nouvelle période ouvre la voie à une troisième possibilité : la destruction de l'humanité, non au travers d'une guerre apocalyptique, mais au travers d'une avance graduelle de la décomposition. (...)Dans le nouveau scénario, la classe ouvrière pourrait être battue d'une manière moins ouverte et moins directe, simplement en n'arrivant pas à répondre à la crise du système et en se laissant de plus en plus entraîner dans la spirale de la décadence... " (Résolution sur la situation internationale du 15e congrès du CCI, point 17, Revue internationale 113, mars 2003, souligné par nous).

6. Sur la "troisième voie", cf. notre article Prise deposition sur la résolution sur la situation internationale du 15e congrèsdu CCI dans le bulletin 21. Il convient aussi de rappeler (cf. notre bulletin 23), par exemple comment Révolution internationale et d'autres publications du CCI ont caché, nous pourrions dire systématiquement, les récentes grèves sauvages en Angleterre et en Italie. Il est d'ailleurs intéressant de relever que finalement le numéro de RI d'avril s'est senti obligé face aux différentes critiques, la nôtre bien sûr mais aussi les "internes" et "externes", de faire une reprise des articles de Rivoluzione Internazionale et de WR sur les luttes ouvrières en Italie et en Grande Bretagne. Mais, tout comme le changement du titre de l'article sur les attentats à Madrid, les articles ne sont pas repris in extenso et leur "résumé" qui met sciemment de côté tout ce qui pourrait inciter à penser qu'existe une tendance à la reprise internationale des luttes ouvrières, vient confirmer encore à la fois l'existence d'une orientation politique clairement opportuniste visant à rejeter les luttes ouvrières, et à éliminer la tendance qui s'essaie à rester fidèle aux principes et méthodes d'analyse du CCI. Cela vient aussi confirmer la non-existence d'un réel débat militant et contradictoire au sein du CCI alors que la divergence est réelle.


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