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SITUATION INTERNATIONALE
Les grandes puissances impérialistes,
premières responsables de la généralisation de la barbarie

En décembre 2001 notre fraction a mis en évidence qu'une rupture s'était opérée dans la situation. Une nouvelle période s'était ouverte dans la foulée des attentats du 11 septembre à New York et Washington, période dont la caractéristique fondamentale était constituée par le dessein de plus en plus déterminé, de la part de la classe capitaliste, de mener l'ensemble de la planète dans une marche forcée vers une nouvelle guerre généralisée ; ce dessein étant la seule réponse que cette classe barbare peut apporter à la crise et à la faillite de son système (1). Par la suite, nous avons précisé, développé ce cadre en mettant en évidence les premiers signes majeurs de cette marche à la guerre, en particulier l'existence d'une tendance à la polarisation des différents impérialismes autour de deux axes principaux, les USA d'un côté, le couple germano-français de l'autre.

Depuis, cette dynamique capitaliste n'a fait que se préciser, s'amplifier, prendre tout son sens notamment à travers l'enchaînement et la multiplication d'événements guerriers, ainsi qu'à travers la préparation progressive de l'ensemble de la société au niveau politique, idéologique et au niveau de la militarisation, en particulier de la part des principales puissances impérialistes.

I - Des dispositifs politiques plus adaptés à la nouvelle situation. Le cas des élections aux USA

La mise en place de dispositifs politiques plus adaptés à la nouvelle situation de la part de fractions bourgeoises agissant sans scrupule dans le sens d'une défense musclée des intérêts impérialistes, s'est vérifiée dans la plupart des consultations électorales de cette nouvelle période. C'était déjà vrai, et nous l'avions analysé comme tel, au moment des consultations électorales en France et en Allemagne en 2002 (bulletins 12 et 13)

Les forces bourgeoises telles qu'elles sont mises en place ne laissent aucun doute sur la volonté délibérée de la bourgeoisie internationale de forcer la marche vers la guerre impérialiste avec, à la tête des gouvernements des principaux pays, des équipes déterminées prônant et mettant en œuvre une défense affirmée des intérêts du capital national dans le cadre d'une situation qui impose un engagement plus décidé sur le plan impérialiste (diplomatique et militaire), des mesures économiques - qui se traduisent notamment par des attaques incessantes et de plus en plus massives et frontales contre les conditions de vie de la classe ouvrière - en pleine adéquation avec cette politique. De plus en plus ouvertement, gauche et droite, gouvernement et opposition se retrouvent pleinement en phase pour développer, dans chaque pays, le cadre idéologique adapté à la politique et aux desseins sinistres de la classe bourgeoise : le nationalisme et la défense de l'Etat.

Pour imposer des dispositifs politiques correspondant au plus près à ses intérêts impérialistes, la classe dominante de ces pays, parce qu'elle a la maîtrise du jeu "démocratique bourgeois" (l'histoire n'a cessé de le prouver), utilise et manipule à son profit et selon ses besoins les processus électoraux.

Cette réalité vient de se réaffirmer, avec d'autant plus de force, au sein du pays qui affiche le plus ouvertement, le plus fermement, l'orientation vers la marche à la guerre : les USA.

De toute évidence, la bourgeoisie américaine maîtrise l'outil électoral. Suffisamment en tout cas pour continuer à imposer, à la sortie des "urnes démocratiques", l'homme et l'équipe qui correspondent le mieux à la ligne politique guerrière qui s'impose aujourd'hui, donc les plus aptes à défendre les intérêts fondamentaux du capital national aujourd'hui.

Depuis 4 ans, et en particulier depuis le 11septembre 2001, la ligne politique suivie par l'équipe de Bush a été sans ambiguïté : c'est la volonté d'affirmer, plus fortement que jamais, l'hégémonie impérialiste des Etats-Unis - notamment à travers leur puissance militaire -, de l'exercer sur l'ensemble de la planète et surtout à l'encontre de ses principaux rivaux que sont ses anciens "alliés".

S'agissait-il pour la bourgeoisie américaine, avec les élections de novembre 2004, de réajuster cette orientation politique, de rectifier le tir ? S'agissait-il en particulier de restreindre ou de corriger l'interventionnisme militaire à tout crin ? S'agissait-il de "modérer" cette option politique soi-disant "aventuriste" et "inefficace", en plaçant une équipe plus "souple" et plus "intelligente", celle de Kerry, au gouvernement du pays ? Certainement pas ! Laissons ce type de raisonnement farfelu aux imbéciles qui se recrutent parfois jusque dans la gauche communiste et qui ne font que reprendre la propagande qui prévalait dans les médias bourgeois jusqu'aux résultats des élections.

La réélection de Bush, le 2 novembre dernier, ne résulte pas d'une erreur de la bourgeoisie américaine ; c'est au contraire le choix délibéré de renommer une équipe parfaitement à même de mener et de renforcer la même orientation politique.

Le remaniement de l'équipe gouvernementale au lendemain de la nomination de Bush est, elle aussi, caractéristique d'un renforcement de l'option impérialiste vigoureuse des Etats-Unis.

La mise à l'écart de Colin Powell (chef de la diplomatie américaine), considéré comme un "modéré", et son remplacement par un incontestable "faucon", anti-européen déclaré, C. Rice, répond à cette nécessité impérieuse. Contrairement aux remaniements intervenus lors des précédentes élections [où la nomination d'Ashcroft par exemple, avait été faite pour donner des gages à la droite conservatrice et celle de C. Powell pour donner satisfaction aux modérés du parti républicain], ici, la seule chose d'importance est de donner aux tenants d'une ligne plus dure tous les moyens d'agir, sans entrave, d'accélérer le processus en cours.

Une gauche plus active dans l'opposition sur le terrain du pacifisme

Les résultats électoraux américains sont à peine dévoilés que la bataille s'ouvre en vue de reconstituer une opposition plus conséquente au nouveau pouvoir en place.

Pourquoi le parti démocrate met-il autant d'empressement à faire émerger un candidat, de préférence "capable de donner la réplique à Bush"? Le problème est bien celui de toute la bourgeoisie américaine, de tous bords, puisque tous ont montré, au lendemain des élections un véritable engouement subit à voir le parti démocrate se remettre rapidement et vigoureusement à flot. Pourquoi, si ce n'est parce qu'il n'échappe à aucun d'entre eux que l'opposition a une responsabilité primordiale à assumer sur l'échiquier politique bourgeois ? Et principalement concernant l'encadrement et l'embrigadement de la classe ouvrière derrière l'Etat national. L'équipe conseillère de Kerry pose ce dernier en futur chef de l'opposition démocrate : "si Bush souhaitait réellement œuvrer pour combler la fracture politique divisant l'Amérique en deux, John Kerry serait alors en mesure de l'aider". (AFP du 6/11/04).

Cette "fracture politique" que les médias bourgeois n'ont eu de cesse de souligner, de "mettre en valeur", s'articule autour de la question de la politique guerrière du gouvernement Bush, de manière immédiate autour de la guerre en Irak. D'un côté une partie de la population, celle de l'"Amérique profonde", nous est présentée comme soutenant ouvertement les thèmes idéologiques les plus "réactionnaires", religieux en particulier, qui s'inscrivent directement dans les menées guerrières de la bourgeoisie américaine ; de l'autre une "Amérique" qui nous est présentée comme plus "moderne", plus "éclairée", refuse la politique militariste et guerrière de Bush... au nom du pacifisme et du "tout sauf Bush". La disposition de l'appareil politique de la bourgeoisie "sortie" des urnes correspond tout à fait au dispositif politique classique que met en place la bourgeoisie lorsqu'elle se dirige vers la guerre : une fausse alternative, guerre ou paix, militarisme ou pacifisme, qui reste sur le terrain du capitalisme et qui vise à embrigader l'ensemble de la population, et donc la classe ouvrière, derrière l'Etat et la nation.

Comment la "vieille Europe" intègre les résultats électoraux américains

Au lendemain des élections US, le couple impérialiste franco-allemand, notamment, montrait sa claire compréhension du sens de leurs résultats ; ainsi son positionnement sur le plan impérialiste a affiché une détermination à s'opposer avec plus de force encore au pôle américain. Le 5 novembre, le ministre allemand de la défense P. Struck réaffirmait "la continuité de la position de l'Allemagne sur le dossier irakien : il n'y a pas de participation de soldats allemands en Irak, et il n'y en aura pas non plus à l'avenir" (cité par AFP le 5/11). Le ministre français des affaires étrangères, M. Barnier, mettait en garde contre les velléités hégémoniques du nouveau gouvernement sur l'arène impérialiste, de manière à peine voilée : "Les américains [doivent] reconnaître qu'ils ne peuvent pas imaginer de construire, de diriger et d'animer le monde tout seuls (…) notre monde a besoin de plusieurs puissances : ils sont la première. Nous sommes en train d'acquérir les éléments et la volonté d'être une autre grande puissance" (AFP 3/11). Il n'y aura donc pas révision de la position germano-française à propos de l'Irak, mais surtout ils mettront toutes leurs forces dans la bataille pour s'opposer à la politique hégémonique des USA.

Et, pour illustrer la "volonté" du pôle européen de participer à l'émergence d'une "autre grande puissance", capable de braver la puissance américaine, l'impérialisme français n'a pas tardé d'en donner un aperçu à travers son intervention militaire en Côte d'Ivoire.

II – Une fuite en avant généralisée dans l'interventionnisme militaire

C'est aussi sur le plan de l'affirmation impérialiste de ces deux pôles, sur le plan d'un interventionnisme militaire à tout crin que la situation s'est accélérée dans le sens de la marche à la guerre.

La tournure que prend la guerre en Irak d'une part, l'intervention musclée de la France en Côte d'Ivoire d'autre part, confirment cette tendance contenue dans la situation.

- Irak : l'impérialisme américain persiste et signe

Il est difficile d'imaginer leçon plus édifiante, plus claire que le redoublement des frappes américaines meurtrières sur l'Irak, au lendemain de la réélection de Bush, pour montrer la détermination de la bourgeoisie américaine à poursuivre et à accélérer dans la voie initiée sur le plan de l'interventionnisme militaire. Cette accélération est d'autant plus justifiée qu'elle est la réponse obligée à des "rébellions" internes toujours aussi présentes et efficaces du fait qu'elles continuent d'être soutenues, organisées et armées par des puissances "extérieures" opposées aux USA.

Le 8 novembre, une semaine après les élections, l'armée américaine lance une offensive contre Falloujah, à 50 km à l'ouest de Bagdad. Cette offensive menée au nom de la répression des rebelles sunnites, fait 2085 morts irakiens sans qu'il soit possible de déterminer la proportion de civils victimes du massacre ; c'est la plus meurtrière de ces derniers mois. Pourtant en avril dernier, Rumsfeld prétendait que cette même rébellion sunnite concentrée à Falloujah avait été maîtrisée après un assaut de plus de 12 jours où 600 irakiens avaient été tués (pour moitié des civils).

Le 14 novembre, 1200 GI's flanqués de 1600 membres des forces de sécurité irakiennes se déploient dans la ville de Mossoul au nord de Bagdad, et le 23 novembre le vieux Mossoul est à nouveau encerclé tandis que les hélicoptères patrouillent au dessus de la ville, tout cela justifié par la chasse aux insurgés : maisons, écoles sont fouillés, le nombre de morts n'est pas clairement révélé.

A Samarra, le même type d'opérations sont menées quelques jours auparavant.

Le message résultant de cette barbarie est clair : non seulement le gouvernement américain fraîchement nommé poursuivra la guerre et imposera la présence militaire américaine en Irak (et ailleurs si son hégémonie impérialiste le nécessite), mais de plus, il mènera celle-ci comme il l'entend et quelles que soient les oppositions qu'il rencontre, tant au niveau interne que de la part des pays opposés à sa politique.

- Côte d'Ivoire : l'impérialisme français à l'oeuvre

En Afrique de l'ouest, l'impérialisme français se considère comme "chez lui".

La Côte d'Ivoire notamment a longtemps été un exemple de calme et de paix sociale soigneusement surveillée par les troupes françaises.

Depuis 2002, les rivalités qui déchirent les différents secteurs de la bourgeoisie locale en Côte d'Ivoire (et qui, traditionnellement, sont utilisées et parfois créées, par la France pour assurer sa mainmise) ont débouché cette fois-ci sur des rivalités (attisées notamment par Washington) qui ont divisées en deux le pays et qui se sont traduites par des conflits sanglants que l'impérialisme français - sous le prétexte mensonger de "l'intervention humanitaire" - "arbitre" par la force. Il en va de sa "crédibilité" et de sa capacité à maintenir sous sa coupe toute une série de pays qui, depuis les prétendues "indépendances", constituent son pré-carré africain.

Ainsi, à partir du 4 novembre, dans les principales villes du pays, des escarmouches périodiques entre les forces françaises et des manifestations de population téléguidées notamment par le pouvoir officiel ont basculé dans un conflit armé ouvert : deux jours après des attaques de l'armée ivoirienne contre la zone rebelle du nord hostile au gouvernement Gbagbo, un nouveau bombardement prend pour cible la zone de Bouaké (centre) où stationnent les soldats français de la force dite d'interposition. Ces premières hostilités font une centaine de morts parmi les populations civiles ivoiriennes. C'est aussi à cette occasion que neuf militaires français ont été tués.

Immédiatement des renforts militaires français sont envoyés sur place : plusieurs Mirages (avions militaires français) stationnés au Tchad viennent seconder la force "Licorne" qui compte jusqu'à 5300 hommes au plus fort du conflit. Une mobilisation d'une telle ampleur tant par la rapidité d'intervention que par la quantité des forces mobilisées de la part du gouvernement français montre la détermination de l'impérialisme français à s'imposer par la force.

L'armée française va exercer de sanglantes représailles contre l'armée ivoirienne et contre les violentes émeutes auxquelles participent les partisans de Gbagbo mais aussi toute la population excédée par la tournure que prend la situation et par la misère qui prend des proportions de plus en plus douloureuses au fur et à mesure que les tensions politiques s'accroissent.

L'armée française n'hésite à aucun moment à tirer dans le tas, contre des manifestants sans armes : "une vingtaine de morts" selon la France dans un premier temps, près de 60 ivoiriens tués et 1300 blessés par les tirs français selon plusieurs autres sources (reprises par l'AFP).

A partir de là, le gouvernement français invoquera cyniquement que si les hélicoptères et les soldats français, panoplie d'armes sophistiquées à la main, avaient tiré sur la foule désarmée c'est parce qu'ils étaient en état de "légitime défense" et qu'il s'agissait de "sauver" les "français" et autres étrangers en danger.

Il faudrait être bien naïf ou intéressé pour ne pas voir qu'un tel discours n'a d'autre objectif que de créer, développer une ambiance de chauvinisme au sein de la population française, chauvinisme dans lequel n'ont pas manqué de se vautrer toutes les forces de gauche et d'extrême gauche, main dans la main derrière le gouvernement chiraquien. (2)

Par contre, vis-à-vis de l'extérieur, il doit être clair que toute menace aux intérêts impérialistes français mettra en branle l'Etat français et celui-ci n'hésitera pas à employer la manière forte.

Aujourd'hui, il montre qu'il n'hésite et n'hésitera pas à mettre ses forces dans la bataille pour faire respecter ses intérêts et ambitions impérialistes (ainsi que ceux du "pôle" auquel il appartient) dans cette région et ailleurs, depuis les pressions diplomatiques jusqu'aux moyens militaires.

Ces faits agrémentés et soutenus par un discours des autorités françaises ne laissent aucune ambiguïté sur les intentions véritables de l'Etat français : Chirac monte au créneau pour justifier la violence de l'intervention militaire française au nom du "droit d'ingérence". Faisant référence à l'instabilité politique régnant en Côte d'Ivoire (conflit entre les forces "rebelles" du nord du pays et le gouvernement Gbagbo jusque là appuyé par l'Etat français), le même Président français affirme : "la France ne laissera pas se développer un système pouvant conduire à l'anarchie ou à un régime de nature fasciste" propos que reprendra Ouattara, principal opposant à Gbagbo et ancien Premier ministre de l'ex-président F. Houphouët-Boigny : "Il faut donc arrêter cette dérive fasciste… ce régime (actuel) est un obstacle à la démocratie".

Au-delà d'une montée des tensions perceptible depuis deux ans, au-delà des événements qui se sont déclenchés le 4 novembre, tout cela illustre la manière et la détermination avec laquelle la France entend bien défendre ses intérêts impérialistes et imposer sa présence dans cette région du monde.

Le véritable bras de fer engagé par la France pour démontrer au reste du monde sa prétention à rester souveraine en Cote d'Ivoire, à s'affirmer comme la force avec laquelle on doit compter à l'avenir sur le plan militaire, impérialiste témoigne de la volonté de la bourgeoisie française de répondre aux Etats-Unis, de leur montrer qu'elle est aussi capable d'intervenir par l'envoi de forces armées. Cette intervention brutale et meurtrière de la bourgeoisie française est un nouveau moment dans la dynamique aux interventions militaires de plus en plus violentes, à la montée des enjeux et à l'exacerbation des rivalités impérialistes, et à la polarisation impérialiste croissante.

Que les USA, ou une autre puissance de première importance aient "conseillé" à Gbagbo de revoir son alliance privilégiée avec la France, qu'ils aient joué les boutefeux en soutenant en sous main ce dernier, c'est une probabilité forte. Que ce "conseil" ait trouvé un écho auprès de la fraction bourgeoisie représentée par Gbagbo sur la manière la plus adaptée de défendre les intérêts immédiats ivoiriens c'est également une forte probabilité "Même si la France a continué d'avoir des relations privilégiées politiques et militaires… le point de rupture politique et économique a été atteint" "Gbagbo veut s'adresser autant à la Chine qu'aux Etats-Unis, il entend être celui qui aura cassé le pré carré" français en Afrique (A. Glaser, directeur de La lettre du continent, publication ayant autorité sur les affaires africaines, cité par l'AFP).

Mais c'est surtout une tendance de fond contenue dans la situation à un niveau plus général qui est à l'œuvre dans ces événements.

Dans le cadre de la tendance à la formation d'un nouveau jeu de blocs impérialistes autour des Etats-Unis d'un côté et de l'Allemagne-France de l'autre -tendance s'affirmant de plus en plus ouvertement-, des alliances séculaires se rompent, se redéploient au profit (ou au détriment) de l'un de ces deux pôles ; que les intérêts croisés des différents impérialismes "périphériques" les conduisent à modifier leur option d'origine, c'est un élément contenu dans l'accélération de la situation telle que nous l'avions identifiée aux lendemains du 11 septembre 2001.

"L'offensive" diplomatique des Etats-Unis (qui, outre l'Angleterre, s'est orientée sur l'Italie, l'Espagne et d'autres) sur l'Europe ne signifie pas l'impuissance ou l'impossibilité de l'Allemagne comme possible pôle de regroupement, mais au contraire elle exprime la reconnaissance, la préoccupation des Etats-Unis devant le danger que représenterait une Europe en cohésion autour de l'Allemagne et la France…. Les conflits impérialistes entre les grandes puissances ne s'expriment plus seulement dans les conflits et les guerres des pays "périphériques" mais maintenant ils s'expriment de manière ouverte comme une lutte déclarée entre elles-mêmes, même si pour le moment ils ont seulement un caractère "diplomatique". Mais ce n'est pas seulement l'Europe, mais tous les pays du monde qui vont entrer dans cette dynamique de polarisation qui va s'exprimer, et s'exprime déjà, dans des chantages, des alliances momentanées, des accords et des ruptures constantes. Avec le cas de l'Irak maintenant, chaque bourgeoisie nationale doit prendre partie pour l'un ou l'autre côté et cela va se produire dorénavant à chaque événement de la situation internationale, dans une tendance à la conformation de ces blocs." (Bulletin 18 -mars 2003- Alignements impérialistes, campagnes pacifistes… la bourgeoisie persiste dans sa marche à la guerre)

Si la bourgeoisie française a su mener l'affaire de façon assez adroite pour faire passer son intervention impérialiste musclée pour une œuvre de paix et de retour à l'ordre, si elle est parvenue à imposer SA solution en Côte d'Ivoire au nom de l'Union Africaine et à se faire accorder un blanc-seing par l'ONU, il n'en reste pas moins vrai que cette "crise" dans le pays longtemps "le plus calme et le plus docile" à ses intérêts impérialistes montre clairement un élargissement des tensions guerrières. Mais surtout, c'est une réponse de la bourgeoisie française, avec l'appui de l'Allemagne, à l'affirmation de plus en plus provocatrice de la bourgeoisie américaine de sa volonté impérialiste dont la dernière manifestation a été la réélection triomphale de Bush et dans la foulée la reconduite des plus va-t-en-guerre de ses ministres au détriment des plus "mous".

III- Ukraine : vers une ligne de front impérialiste au cœur de l'Europe.

Ce que nous avons souligné précédemment se vérifie également avec l'Ukraine : "Mais ce n'est pas seulement l'Europe (occidentale) mais tous les pays du monde qui vont entrer dans cette dynamique de polarisation qui va s'exprimer, et s'exprime déjà, dans des chantages, des alliances momentanées, des accords et des ruptures constantes."

La campagne électorale à rallonge et les "élections" truquées et à rebondissements qui se déroulent dans ce pays depuis plusieurs semaines témoignent sans équivoque d'une bourgeoisie locale déchirée et ballottée entre une option impérialiste pro-occidentale (essentiellement tournée vers le pôle "européen") incarnée par le candidat dit "démocrate", Iouchtchenko, et l'option pro-russe qui prévalait jusqu'à maintenant incarnée par Ianoukovitch.

Et à voir l'empressement de tous les rapaces impérialistes - Russie, France et Allemagne mais également USA, Pologne et autres - à "s'intéresser au sort" des ukrainiens, à les "conseiller" sur la bonne façon de voter, à les appeler "à la raison et au calme" ou "à la révolte contre ceux qui cherchent à les soumettre", il est évident que l'enjeu dépasse de loin celui d'une simple consultation électorale à usage interne.

Bien plus que l'intérêt économique que représente ce pays, c'est surtout l'étendue de son territoire, sa situation géographique, véritable zone tampon au croisement entre la Russie et l'Europe occidentale qui en fait un enjeu stratégique de première importance. Et c'est essentiellement avec l'objectif de déployer leurs visées expansionnistes et de se préparer pour les moments où les antagonismes s'affirmeront notamment à travers une conflagration générale, que tous ces brigands impérialistes font aujourd'hui des offres de service à la classe capitaliste ukrainienne.

La Russie n'a pas ménagé son soutien appuyé à "son" candidat, car cela répond à la priorité de conserver l'Ukraine dans sa propre zone d'influence, voire de la réintégrer dans son giron. Si la Russie n'a pas, jusqu'à maintenant, été capable de réagir fermement et efficacement aux avancées hégémoniques de l'Europe et des USA en direction des pays de l'ex-bloc soviétique, il apparaît que la perspective de voir l'Ukraine lui échapper aujourd'hui lui soit difficilement acceptable, d'où son ardeur à s'impliquer aussi fortement politiquement et diplomatiquement dans les affaires ukrainiennes. L'enjeu pour la Russie est, au minimum, de maintenir le statu-quo dans le rapport des forces tel qu'il s'est dessiné au lendemain de l'éclatement du bloc de l'Est à la fin des années 1980, au mieux de tenter de reconstituer la puissance russe en renforçant ses liens avec l'Ukraine, le Kazakhstan et la Biélorussie. Et de toute évidence, il s'agit pour la Russie de chercher à défendre son rang en tant que puissance impérialiste en faisant tout son possible pour empêcher, en tout cas pour limiter, l'avancée de l'Europe (le pôle franco-allemand) - ou d'autres puissances - dans la région.

Ils sont tous prêts, si nécessaire, à disséquer ce territoire comme en témoigne la perspective froidement envisagée d'une partition de l'Ukraine.

Un tel scénario signifierait, à l'évidence, une avancée majeure dans les rivalités entre tous ces gangsters au cœur de l'Europe.

Mais quel que soit le dénouement que trouvera cette situation au plan politique, au-delà du strict terrain électoral local, cet événement est une nouvelle manifestation explicite d'une accélération de la situation dans le sens d'une exacerbation des rivalités impérialistes.

Le 23/12/2004


Notes:

1. Bulletin 4 : La nouvelle situation mondiale et les tâches de l'heure pour les révolutionnaires

2. Doit-on, justement, mettre sur le compte de la "naïveté" les propos tenus pour l'occasion par Révolution internationale ? Ou bien faut-il croire que, sur ce point aussi, cet organe de presse est "intéressé" et a, semble-t-il, fini par renoncer à dénoncer l'impérialisme français pour se mettre à la queue de la propagande de la bourgeoisie française ? N'aurait-il pas fini par céder, là aussi, aux sirènes de la campagne chauvine française lorsqu'il analyse ainsi le mouvement de la population ivoirienne : "Gbagbo a alors déchaîné une vaste "chasse aux Blancs" [noter le B respectable], de véritables pogroms anti-français (les liquidationnistes qui dirigent aujourd'hui le CCI semblent souffrir dans leur chair de "français" !) en poussant une masse surexcitée de miséreux lumpénisés (??), les "patriotes", à assiéger les maisons, les écoles, les bâtiments abritant des ressortissants français et à se livrer à des viols, des pillages, des saccages et des incendies, tandis que des témoins ont rapporté [à noter la réserve induite par ces derniers mots] que l'armée française n'a pas hésité, elle, à tirer sur la foule hostile."

Ces militants sont-ils donc tombé si bas qu'ils sont aujourd'hui incapables de dénoncer la responsabilité de la bourgeoisie notamment française dans les conditions misérables faites à la population ivoirienne qu'ils blâment avec mépris de "miséreux lumpénisés" ?


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