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L’opportunisme et son incapacité d’attendre

On prendra peut-être pour un paradoxe l'affirmation qui consisterait à dire que le trait psychologique dominant de l’opportunisme, c’est son incapacité d’attendre. Il en est pourtant ainsi. Dans les périodes où les forces sociales alliées et adversaires, par leur antagonisme comme par leurs réactions mutuelles amènent en politique un calme plat; où le travail moléculaire de développement économique, renforçant encore les contradictions, au lieu de rompre l’équilibre politique, semble plutôt l’affermir provisoirement et lui assurer une sorte de pérennité, l’opportunisme, dévoré d’impatience, cherche autour de lui de "nouvelles" voies, de "nouveaux" moyens de réaliser des succès. Il s’épuise en plaintes sur l’insuffisance et l’incertitude de ses propres forces et il recherche des "alliés". Il se jette avidement sur le fumier du libéralisme. Il le conjure. Il l’appelle. Il invente, à l’usage du libéralisme, des formules spéciales d’action. Mais le fumier n'exhale que son odeur de décomposition politique. L’opportunisme picore alors dans le tas de fumier quelques perles de démocratie. Il a besoin d’alliés. Il court à droite, à gauche, et tache de les retenir par le pan de leur habit à tous les carrefours. Il s’adresse à ses "fidèles" et les exhorte à montrer la plus grande prévenance à l’égard de tout allié possible. "Du tact, encore du tact et toujours du tact!" Il souffre d’une certaine maladie qui est la manie de la prudence à l’égard du libéralisme, la rage du tact, et, dans sa fureur, il administre des soufflets et porte des blessures aux gens de son propre parti.

Trotsky 1905


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