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TEXTES DU MOUVEMENT OUVRIER
La Gauche communiste italienne combat les méthodes du PC italien:
Déclaration de Perrone au Congrès de Lyon du PCI en 1926

La dynamique dans laquelle se situe le CCI depuis quelques années comporte bien des analogies avec la situation de dégénérescence de l’IC. C’est en ce sens que nous utilisons ici l’intervention de Perrone au Congrès de Lyon du PCI en 1926.

Comme les “ centristes ” de l’IC, nos “ liquidationnistes ” actuels, à leur petit niveau, ont :

1 - posé les questions en discussion du point de vue moral et non du point de vue politique. “ (…) au lieu de mettre en avant la formule décidée au V° Congrès consistant à stabiliser l’activité politique, la question morale du refus a été posée (..) de participer au travail de la Centrale ”. Nous avons subi la même méthode.

2 - tenté d'écarter les questions politiques en employant la tactique. “ Obtenir des votes pour l’entrée de Bordiga à la Centrale – du fait de son ascendant personnel – a été acquis avec la tactique, alors à la mode, du maximum de compliments à son encontre. ” Dans le CCI, la tactique utilisée consistait à décréter tous nos actes comme des actes d’indiscipline. Si, pour Bordiga, ce fut la tactique de "la pommade" d’abord et de la bastonnade ensuite , pour nous ce fut celle de la bastonnade systématique.

3 - banni la discussion sur le fond des questions politiques posées. “ Un communiste aurait du raisonner ainsi : ‘Bordiga se trompe, discutons de ses idées’. ” Tout est dit sur l'état d'esprit et la méthode des véritables communistes dans cette formule ; le CCI lui a refusé de reconnaître la fraction et les questions politiques qu’elle soulevait pour la traiter de “ fraction de l’in-fraction ”.

4 - fait différents types de manœuvres pour l’emporter. “ Il y a eu la ‘défénestration’ de deux Comités fédéraux importants régulièrement élus par leurs congrès provinciaux respectifs : Naples et Milan. ”. L’on peut prendre l’exemple de la Commission d’Organisation de la section de Paris qui a été destituée d'autorité, par les “ liquidationnistes ”, de ses fonctions alors qu’elle venait d’être nommée par une réunion générale de cette même section et élue sur la base d’une orientation politique.

5 - poussé de grands cris, hurlé au scandale pour impressionner et obscurcir la pensée des militants de l’organisation. “  L’on a mobilisé tout le parti contre la fraction, la scission, l’Internationale de Naples. (…) Il s’est fait de grandes clameurs sur les circonstances de la lettre qui arriva à l’Exécutif ; après sa transmission, est produite la très fameuse circulaire qui l’étudie jusque dans les virgules pour trouver un grave attentat fractionniste ”. C’est la même attitude qu’ont eu nos “ liquidationnistes ” au moment où nous avions créé un Collectif de travail durant l’été 2001 pour pouvoir nous retrouver et commencer à réfléchir. A cette époque il ne s’agissait pas d’une fraction. C’est parce qu’il était devenu impossible de travailler au sein de l’organisation que nous avons ensuite créé une fraction.

6 - empêché de diffuser nos positions politiques. “ Aucune possibilité, pour se défendre dans l’Unità, n’est laissée aux accusés. ” Les camarades qui allaient former la fraction interne ne pouvaient pas publier dans les Bulletins internes de l’organisation sauf à effectuer préalablement leur autocritique d'avoir participé au Collectif de travail.

7- posé toutes les questions en terme de responsabilité individuelle. “ Beaucoup de camarades centristes aiment réduire le problème de la Gauche au camarade Bordiga. ” Il en est de même dans le CCI où tout ce que dit ou fait notre fraction s'explique par le fait que l'un est un gourou, l'autre un aventurier , le suivant un voyou, etc.

8 - fini par trouver l’argument qui tue pour tenter de se débarrasser complètement du problème. “ … cette gauche est contre le parti et favorise la pénétration d’agents provocateurs ”. Il en est de même de la Fraction qui, après avoir été exclue à la Conférence extraordinaire de mars 2002, est aujourd'hui couverte d’opprobre car considérée, par les "liquidationnistes", comme faisant le travail de la police.

Toutest dit.
La Fraction

Intervention de Perrone au Congrès de Lyon du PCI en 1926

(…) Parlons maintenant du Comité d’Entente.

Le V° Congrès de l’Internationale s’est terminé par l’acceptation de la formule connue de la participation de la Gauche à tout le travail de base, sans notre participation à la Centrale du Parti. Il est difficile de citer ici un seul exemple où sur le travail de base nous n’avons pas respecté les directives de la Centrale que ce soit pour le travail de direction des fédérations que ce soit pour les activités de fonctionnaires du parti. Malgré tout, nos centristes ne conçurent pas immédiatement un plan d’orientation de la discussion idéologique mais pour une curieuse question morale qui avait pour but d’obtenir avec peu d’efforts, les résultats attendus.

En fait, tout de suite après le V° Congrès, les congrès fédéraux (du PCI), au lieu de mettre en avant la formule décidée au V° Congrès consistant à stabiliser l’activité politique, la question morale du refus a été posée – pendant une situation difficile – de participer au travail de la Centrale, et sur cette base il n’était pas difficile d’arracher aux camarades les votes pour l’entrée de Bordiga dans la Centrale. Au lieu d’examiner le désaccord au fond, pour convaincre les camarades que les idées de Bordiga étaient à rejeter, on réclamait leur attention sur le fait que tous ont les mêmes devoirs et que c’est la raison pour laquelle Bordiga devait rentrer dans la centrale.

Nous en venons à répondre de façon indignée au système nuisible qui a été instauré dans notre parti : les désaccords sur la façon de conduire la lutte révolutionnaire sont passés au deuxième plan pour mettre en avant le devoir du communiste Bordiga. A propos de ce devoir, je me permettrai d’affirmer qu’aucun centriste ne serait en mesure de soutenir que ce soit le différend idéologique ou la lâcheté personnelle qui aient poussé Bordiga à rester hors de la centrale.

Obtenir des votes pour l’entrée de Bordiga à la Centrale – du fait de son ascendant personnel – a été acquis avec la tactique, alors à la mode, du maximum de compliments à son encontre, elle a été interrompue après le congrès fédéral de Naples pour une autre tactique de même nature. Après un article d’Humbert-Droz arrivé à l’improviste et d’une nette hostilité contre Bordiga et la Gauche à l’occasion de la non participation de Bordiga à l’Exécutif élargi (de l’IC), il a été monté contre lui, la plus obscène campagne ayant pour résultat d’obscurcir encore plus la difficile élaboration théorique du parti, tandis que certains éléments, impressionnés par la présupposée faute de Bordiga, se décidaient à condamner les orientations de la Gauche. Un communiste aurait du raisonner ainsi : ‘Bordiga se trompe, discutons de ses idées’.

Sur la question de la présupposée faute de Bordiga, je voudrais rappeler que sa déclaration spéciale n’a pas été publiée sous le prétexte spécieux qu’elle contenait des phrases offensantes. Je dis prétexte spécieux car nos centristes ont eu le manque de correction de rendre publiques uniquement les phrases de son communiqué qui se soustrayaient à leur pouvoir normal, c’est à dire du parti. Après la lettre contre Bordiga au sujet de (son absence à l’Exécutif ) l’Elargi, il y a eu la ‘défénestration’ de deux Comités fédéraux importants régulièrement élus par leurs congrès provinciaux respectifs : Naples et Milan. Pour le premier il a été dit qu’il fallait traiter le fait que Bordiga ne pouvait pas rester à la direction d’une modeste fédération. Pour le deuxième, on a pris pour prétexte la manifestation faite à l’occasion de la conférence de Bordiga au château Sforzesco. Sans rentrer en détail sur cette question, j’affirme qu’uniquement un nouveau congrès provincial aurait pu ratifier les mesures de l’exécutif ; au contraire l’on n’a plus parlé de congrès et la direction fédérale a été assumée par un commissaire extraordinaire de l’Exécutif (il s’agit de la Centrale du Parti) qui a tenu la direction (de la fédération) jusqu’à notre congrès national.

Ainsi, nous arrivons finalement au Comité d’Entente. Un groupe de camarades après avoir pris connaissance des déclarations de l’Elargi (de l’IC) et de la Centrale italienne pour le Congrès, a constitué un Comité qui s’est mis en relation avec l’exécutif faisant des propositions pour régulariser les discussions. Il s’est fait de grandes clameurs sur les circonstances de la lettre qui arriva à l’Exécutif ; après sa transmission, est produite la très fameuse circulaire qui l’étudie jusque dans les virgules pour trouver un grave attentat fractionniste. L’exécutif n’attendait que cette bonne occasion pour dérouler son plan en vue de modifier les rapports de force respectifs et ultérieurs à l’intérieur du parti. Le Comité d’Entente est une fraction! L’on a mobilisé tout le parti contre la fraction, la scission, l’Internationale de Naples ; l’on a formulé la théorie des ‘coïncidences objectives’ pour démontrer que la Gauche italienne est sur la même ligne que celle des maximalistes, celle de Lévi, de Frossard, que cette gauche est contre le parti et favorise la pénétration d’agents provocateurs.

Comme corollaire de cette tactique générale et de dispositions préventives : aucune possibilité, pour se défendre dans l’Unità, n’est laissée aux accusés ; des circulaires sont envoyées aux secrétaires interrégionaux qui ont le devoir de convoquer, sans délai, les comités fédéraux, d’imposer leur ordre du jour et de ‘défénestrer’ tous ceux qui ne jureraient pas sur la sainte croix contre l’offensive de la Gauche. L’ordre de l’exécutif de l’Internationale que l’on soumet à la gauche est intervenu après un mois de cette campagne. Il a déplu vivement à nos centristes qui avaient pris toutes les mesures pour que le parti juge mal nos preuves de discipline données aux dispositions de l’Internationale. Une silencieuse résignation des camarades de la gauche s’est manifestée à cette obscure campagne sans valeur, comme était nulle la déclaration de dissolution du Comité d’Entente : l’on a publié notre document de la pire façon et spectaculairement pour impressionner les camarades, l’on disait immédiatement que, de fait, la fraction existait depuis toujours et que c’était la raison pour laquelle la vigilance n’était jamais excessive par rapport aux activités de la Gauche.

Camarades que reste t-il de ce fameux Comité d’Entente ? Etait-il le comité d’une fraction, prend-il fin au congrès ? Entendons-nous également sur la signification d’une fraction. Il peut sembler que le Comité représentait un regroupement, conjoncturel, de camarades qui voulaient soit prendre le pouvoir soit poser leurs différends tactiques et programmatiques pour dépasser la discipline du parti. Ecartons la première hypothèse parce que personne ne l’a formulée et parce qu’elle trouve sa solution logique dans les mesures disciplinaires des responsables. Dans l’autre hypothèse, la fraction se conçoit comme une prise de position dans le parti et dans le prolétariat sur des points programmatiques et tactiques précis, en opposition avec la direction actuelle du parti. L’on ne peut pas parler d’un mouvement secret, clandestin, mais d’une claire et ouverte prise de position pour rendre compte non seulement aux dirigeants, mais encore à tout le parti et au prolétariat.

Maintenant sur quoi le Comité d’Entente a-t-il pris position ? Sur rien. Il attendait que la Centrale accepte quelques propositions pour discipliner et rendre plus utile la discussion. Suivant le système propre à la bureaucratie, notre exécutif a passé au dernier point, la question des propositions du Comité, elles ne furent pas acceptées et l’on a fait passer toute la vision fractionniste et scissionniste sur le dos des camarades de la Gauche, afin de mobiliser le parti contre elle. Le parti a assez bien fait des pas en avant pour porter préjudice à certains camarades. Mais, les résultats, du point de vue révolutionnaire, sont complètement négatifs : la discussion languît avec un débat contradictoire entre peu de camarades sur l’Unità. Il est devenu l’interminable monologue des dirigeants centristes qui ont des difficultés à faire participer les travailleurs communistes.

Mais nos centristes ont encore peur des écrits de la Gauche dont la plupart, outre des présentations théâtrales sur l’Unità, étaient précédées d’introductions et suivis de postilles qui faussaient le sens et parfois alarmaient les camarades sur leur contenu. De même l’on peut juger les votes, puisque l’on a agi et pris des dispositions pour attribuer au Centre le vote des absents. L’on sait que ces derniers représentent de fort pourcentages dans de nombreuses localités qui ne peuvent pas être considérées, en principe, comme les meilleurs camarades ; nous considérons que le parti a triplé ses effectifs durant le second semestre de 1924, selon les résultats de la très efficiente évaluation que vous venez de nous présenter. Pour conclure sur le système que j’ai dénoncé et qui a permis de modifier l’opinion du parti qui dans une autre consultation, en mai 1924, donna la grande majorité à la gauche à travers les votes des comités fédéraux et sans une vaste discussion antérieure. Pour nous, les opinions que nous cherchons à exprimer ne sont que le résultat d’une longue expérience révolutionnaire du prolétariat italien, expérience grâce à laquelle nous résistons à toutes les campagnes scandaleuses et manœuvrières de nos dirigeants.

Avant de terminer, je veux traiter de la question personnelle du camarade Bordiga. Avec les thèses présentées au parti en mai 1924, les camarades actuels du Centre ont créé leur courant centriste, ils écrivaient à peu près ceci : ‘Bordiga est le chef de la révolution italienne’. Aujourd’hui ils ont changé d’avis ; nous, nous restons de cet avis mais pas pour des considérations personnelles. Beaucoup de camarades centristes aiment réduire le problème de la gauche au camarade Bordiga. Il est certain que Bordiga est parmi nous – du fait de son intelligence particulière – le camarade qui formule le mieux les conceptions de la Gauche mais il la conduira à la seule condition que cette dernière mette à profit les opinons qu’il a tant de fois exprimées par son esprit et sa volonté et aussi son esprit de sacrifice. Si demain, il devait changer d’avis, le problème de la Gauche serait plus difficile pour le prolétariat italien et l’élaboration de ses expériences révolutionnaires. Et, si Bordiga disparaissait, le prolétariat accomplirait cette bataille lui-même. C’est seulement ainsi que l’on peut considérer l’apport de Bordiga à notre courant : toutes les autres formulations résultent trop de la nécessité d’obtenir des succès auprès des camarades au moyen de louanges outrées que je vous rappelle et cela pour en arriver aux attaques grossières et injustes de ces derniers temps qui expriment le fait que Bordiga n’a pas changé d’avis.

On a trop parlé des fractions. Bordiga vous a posé le problème du point de vue théorique et même pratique ; moi je veux seulement dire que si les centristes se proposent d’offrir au prolétariat italien la tactique expérimentée en Allemagne en 1923 où les communistes ont du assumer toutes les conséquences de leur tactique générale et ont fini dans un gouvernement bourgeois, nous, de la Gauche, ce n’est pas une mais cent fractions que nous constituerons et nous sommes surs que la très grande majorité du parti sera avec nous.



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