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LE COMBAT CONTRE L’OPPORTUNISME
REVOLUCION MUNDIAL 79 (Avril 2004) :
OU COMMENT LE PROLETARIAT DES PAYS PERIPHERIQUES EST PERDU POUR LA REVOLUTION...
ET COMMENT LES ETATS-UNIS SONT LES SEULS A S'OPPOSER AU CHAOS !

"La décomposition capitaliste a terriblement avancé en Haïti rendant cette région comme sans doute perdue pour la cause révolutionnaire" - "La descomposición capitalista ha avanzado terriblemente en Haití marcando esa región como posiblemente perdida para la causa revolucionaria" - (Revolución Mundial 79, souligné par nous).

Cet article de Revolución Mundial, la publication du CCI au Mexique, représente la concrétisation éloquente de la dérive dans laquelle est engagé le CCI aujourd'hui. C'est la continuation de la position qu'il a commencé à défendre officiellement selon laquelle une troisième voie apparaît aujourd'hui dans le cours historique qui peut dépasser l'alternative historique entre les deux classes : la bourgeoisie et le prolétariat :

"La nouvelle période ouvre la voie à une troisième possibilité : la destruction de l'humanité, non au travers d'une guerre apocalyptique, mais au travers d'une avance graduelle de la décomposition, qui pourrait à terme saper la capacité du prolétariat à répondre comme classe (...). Dans le nouveau scénario, la classe ouvrière pourrait être battue d'une manière moins ouverte et moins directe, simplement en n'arrivant pas à répondre à la crise du système et en se laissant de plus en plus entraîner dans la spirale de la décadence... " (Revue internationale 113, Résolution sur la situation internationale, point 17, souligné par nous).

Curieusement, cette troisième voie n'a rien à voir avec les deux classes fondamentales de l'histoire. Le CCI parle de décomposition. C'est ainsi qu'il a fait du concept de décomposition un élément avec lequel on explique tous les événements actuels. C'est aujourd'hui devenu le cadre pour tout définir, l'événement qui parcourt d'un bout à l'autre tout le système capitaliste et qui influence directement et de manière prépondérante toute la réalité de la planète :

"La corruption, le trafic de drogue, la violence, le surgissement de bandes, de guérillas et de groupes terroristes, la terreur exercée aussi par la police et les groupes paramilitaires, les assassinats atroces, la misère et autres calamités qui se déchaînent en Haïti, comme dans de nombreuses parties du monde, sont toutes le résultat de la putréfaction de tout le système capitaliste, elle sont les produits naturels de la décomposition du capitalisme" (Haïti : les luttes interbourgeoisies sont les causes de la barbarie" (Revolución Mundial 79, traduit par nous).

Ici on voit clairement comment le CCI comprend tout phénomène social à travers les lunettes de la question de la décomposition qui domine chaque fois plus tous les coins et recoins de la réalité. Elle devient un facteur qui, selon le CCI, finira par miner la capacité de réponse du prolétariat avec pour conséquence d'entraîner automatiquement l'humanité vers son auto-destruction. C'est exactement ce que dit la résolution du 15e congrès international citée plus haut.

Cette vision s'est enfoncée si profondément dans le cerveau des militants du CCI qu'ils sont obligés de réaliser une série de jongleries politiques pour justifier leur cadre d'explication. En faisant cela, ils rompent avec les positions marxistes de l'analyse sociale. De telle manière que la concurrence entre la bourgeoisie et les nations paraît avoir une limite pour le CCI : la limite qui est établie par la décomposition elle-même. Il apparaît que la raison d'être du capitalisme et l'objectif de toutes les bourgeoisies, tirer le maximum de bénéfice possible en accumulant les profits de manière agressive et violente, est aujourd'hui bouleversée. Soudain, une fraction de la bourgeoisie mondiale (et pas n'importe laquelle) devient "raisonnable" et, s'opposant à sa propre nature de classe, devient maintenant philanthropique en essayant de mettre de l'ordre dans le monde. Cultivant son intérêt pour l'humanité, elle ferait tout son possible pour contenir le chaos en général afin de limiter ainsi la décomposition qui menace l'humanité. Sur la situation en Haïti, voilà ce que Revolución Mundial nous explique :

"Bien sûr, pour les Etats-Unis, ce qui arrive dans cette région ne leur convient absolument pas. Car le chaos peut s'étendre et déstabiliser d'autres pays ce qui viendrait s'ajouter aux difficultés qu'ils ont dans d'autres régions du monde pour remplir leur rôle de gendarme mondial" (Idem).

Il serait malvenu et injuste d'incriminer les seuls camarades mexicains du CCI pour de tels dérapages, même s'ils sont particulièrement "grossiers" et caricaturaux. Ces "dérapages" sont inéluctablement inscrits, contenus, dans la position révisionniste du CCI sur la décomposition telle qu'elle est défendue aujourd'hui. Et ils se répètent régulièrement :

"Aussi, les bourgeoisies des pays développés, américaine et britannique en tête, se sont réellement inquiétées de la possibilité d'un scénario catastrophe dont pourraient résulter des millions de morts. Et il aura fallu, (...) que les Etats-Unis pèsent de tout leur poids en envoyant le secrétaire d'Etat à la défense, Donald Rumsfeld, à Karachi et par l'intervention directe de Bush auprès des dirigeants indiens et pakistanais, pour faire tomber la tension (...). Elles [les grandes puissances] sont avant tout soucieuses d'empêcher que ne se développe une nouvelle étape, qui serait sans précédent, dans l'aggravation du "chacun pour soi" qui règne sur la planète depuis l'effondrement du bloc de l'Est et la disparition du bloc rival de l'Ouest." (Revue internationale 110, Inde-Pakistan : la folie meurtrière du capitalisme).

Cette position qui se développe chaque fois plus dans le CCI, a diverses conséquences et ouvre des boulevards grands comme l'immense Voie des morts de Teotihuacán, la cité préhispanique, vers les positions opportunistes et révisionnistes. D'un côté, dans la logique de ce que nous explique le CCI, tout n'est pas négatif dans le phénomène de la décomposition puisqu'il a pour résultat qu'une des bourgeoisies les plus avancées du monde devient soudain rationnelle contre sa propre nature de classe et se met à tout faire pour freiner le chaos. Et dans la mesure où la chute dans la décomposition freine la voie révolutionnaire (une des trois voies que défend aujourd'hui le CCI), les révolutionnaires devraient, eux-aussi, s'opposer à la décomposition. Comme la bourgeoisie américaine ! Et cela, implicitement et si on est conséquent, nous amènerait au minimum à nous joindre dans l'intervention militante à une des fractions de la bourgeoisie pour les actions qu'elle mène contre la décomposition. Les révolutionnaires courant derrière les actions d'une nation, voilà ce qui découle finalement des positions actuelles du CCI.

Toujours dans la logique de la décomposition telle qu'elle est aujourd'hui "comprise" et défendue par l'actuel CCI, Revolución Mundial est finalement amené à exprimer, non pas une bêtise, mais une révision du marxisme et du programme communiste. Comme cela. En passant. Sans même s'en rendre compte. Avec cette avancée sans frein de la décomposition, le CCI estime que des zones du monde sont déjà perdues pour la révolution communiste :

"La décomposition capitaliste a terriblement avancé en Haïti rendant cette région comme sans doute perdue pour la cause révolutionnaire... Chaque fois plus, la décomposition continue à détruire des régions entières laissant le prolétariat dans des conditions extrêmement difficiles pour qu'il puisse se sortir des mystifications avec lesquelles la bourgeoisie l'entrave et pour qu'il puisse présenter sa réponse de classe" (idem 1). On comprend mieux pourquoi toutes luttes ouvrières dans les pays éloignés du centre historique du capitalisme mondial, doivent être niées, rejetées, et condamnées à tout prix, comme inter-classistes et expression de la décomposition. On comprend mieux l’indifférentisme et le défaitisme de l'actuel CCI vis-à-vis des luttes ouvrières en Argentine de l'hiver 2001 par exemple.

Avec cela, en faisant tout rentrer dans le concept de la décomposition, le CCI n'arrive plus à dégager une analyse claire de la réalité des luttes de la bourgeoisie. Il tombe dans une vision anti-marxiste selon laquelle, la planète étant chaque fois plus minée par la barbarie, dans des régions comme Haïti, et qui sait quelles autres encore, le prolétariat se retrouve défait par ce phénomène et donc perdu pour la révolution. Pour le CCI, le prolétariat de cette région ne peut rien faire. Conclusion inévitable, pour qui veut être conséquent, de cette révision des positions communistes : pour continuer à défendre la perspective de la révolution, il ne reste plus qu'à défendre les actions des Etats-Unis contre la décomposition et le chaos pour que reste ouverte la perspective de la révolution.

16-05-2004.


Notes:

1. Pour éviter à l'avance toute accusation de déformation par la liquidation, nous citons la phrase dans sa version espagnole originale : “La descomposición capitalista ha avanzado terriblemente en Haití marcando esa región como posiblemente perdida para la causa revolucionaria....Cada vez más la descomposición va destruyendo regiones enteras dejando al proletariado en condiciones sumamente difíciles para que puedan desprenderse de las mistificaciones con los que los maniata la burguesía y para que puedan presentar su respuesta de clase".


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