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Notes sur l'article publié dans World Revolution 285 (juin 2005) :
“Only the communist revolution can make poverty history !”

Dès l'explosion de la crise organisationnelle -mai 2001 - qui couvait depuis plusieurs années au sein du CCI, nous avions averti que s'ouvrait un cours opportuniste pour notre organisation. La rupture avec les principes organisationnels visant à l'élimination - ou à la capitulation - politique et militante des nouveaux minoritaires dont nous étions, a été dénoncée à plusieurs reprises et sous plusieurs angles bien avant que nous nous constituions en Fraction interne du CCI, bien avant notre exclusion. C'est donc ainsi que "la trahison des principes organisationnels sur le plan idéologique et théorique prépare et accompagne un remise en pratique 'au quotidien' qui, notamment depuis le congrès, détruit à une vitesse vertigineuse ce que nous avons mis 25 ans à construire" (Présentation du bulletin n° 1 de la fraction, octobre 2001)

Une des conséquences "théorico-politiques" de l'élimination des opposants a été la victoire définitive et sans retenue, sans opposition, du nouveau concept idéaliste de "Décomposition", véritable poison idéologique, sur l'ensemble de notre organisation. Il est aujourd'hui devenu complètement prédominant et imprègne la plupart des prises de position du nouveau CCI. Entre autres choses, le thème idéologique de la "Décomposition" substitue à la vision classiste une vision humaniste et liquide la lutte des classes comme "moteur de l'histoire" : "La décomposition (...) pourrait à terme saper la capacité du prolétariat à répondre comme classe" (Résolution sur la situation internationale, point 17, Revue internationale 113). Nous avons eu plusieurs occasions de dénoncer dans ce bulletin les dérives politiques que cette vision, étrangère au prolétariat, provoque. Dernièrement encore dans notre bulletin 30, nous avons critiqué la mise en avant par le nouveau CCI du mot d'ordre de "solidarité humaine" suite à la catastrophe du tsunami. Malheureusement, cette dérive ne fait que s'accentue à chaque nouvel événement.

L'article de World Revolution 285, la publication du CCI en Grande-Bretagne, "Only the communist revolution can make poverty history!”, en réponse à la campagne de la bourgeoisie anglaise sur "make poverty history !" ("Renvoyons la pauvreté dans les poubelles de l'histoire !") fait un pas supplémentaire dans ce sens. Il y a au moins quatre aspects que nous pouvons relever.

1. “Yes, trade is unjust, but there can never be ‘fair trade’ under capitalism!. ("Oui, le commerce est injuste, mais il ne peut y avoir de "commerce juste" sous le capitalisme").

Cette citation prétend dénoncer -ou juger ironiquement- la consigne de la campagne bourgeoise Make Poverty History, (qui est le thème central de l'article), mais en réalité elle tombe dans le jeu de la bourgeoisie en affirmant que "Oui, le commerce est injuste". Cette position abandonne Marx pour revenir à Proudhon. Si pour ce dernier, "la propriété, c'est le vol", pour le CCI le commerce "est injuste".

Alors que pour Marx le fond de l'exploitation capitaliste n'a rien à voir avec les lois du Droit, ni avec celles de la morale, mais avec celles des rapports de production (souvenons-nous que ce que montre Marx, c'est comment à partir d'échanges de valeurs "égales", c'est à dire "justes" d'un point de vue légal, se produit l'exploitation du travail salarié : l'ouvrier échange la valeur de sa force de travail pour des valeurs équivalentes- égales à son salaire. La question est que sa "marchandise" – la force de travail – est la seule qui produise de la valeur et une valeur supérieure à son coût, etc.).

Mais ce recul théorique du CCI implique de diluer la critique du capitalisme d'un point de vue de classe (celui du prolétariat) à un autre apparemment plus "général" : on ne critique pas l'exploitation particulière du travail salarié, mais, en "général", la nature "injuste" du commerce.

2. Découlant du point précédent, vient la seconde position de WR : “Yes, the rules of international trade are rigged in favour of the more developed countries”.("Oui, les règles du commerce international sont truquées en faveur des pays les plus développés").

De nouveau, on ne traite pas ici de la relation bourgeoisie-prolétariat comme source de la misère et de l'exploitation mais d'une autre plus générale : les rapports inégaux entre les nations. Les règles du commerce international "favorisent" les nations les plus développées par rapport aux "nations moins développées". Mais dans la notion de nation, les classes se trouvent diluées au sein de la population en général. Il y a là une riche veine idéologique que la bourgeoisie a exploitée pendant des décennies : l'injustice de la division entre nations comme source de la pauvreté, que le CCI a découverte récemment et sur laquelle il commence à cheminer.

Le CCI actuel en prétendant donner une vision "plus haute", "plus générale", que celle purement classiste, prolétarienne, ne fait qu'exprimer, en réalité, les positions mêmes de la petite-bourgeoisie.

3. The history of the last hundred years has made it perfectly clear that the present social system is dragging mankind towards economic, ecological, and military disaster. Not only can capitalism not exist without poverty, looting the environment and war - these scourges are getting worse and worse" (Nous soulignons). ("L'histoire des cent dernières années a rendu parfaitement clair que le système social actuel entraîne l'humanité vers un désastre économique, écologique et militaire. Non seulement le capitalisme ne peut pas vivre sans pauvreté, sans détruire l'environnement et sans guerre – mais ces fléaux deviennent de pire en pire").

Pour la troisième fois dans un même article de moins de deux pages on développe une "critique" du capitalisme qui ne se fonde même pas sur l'exploitation salariée (qui fait abstraction d'elle) mais qui s'appuie sur une préoccupation plus "humaine", plus générale : "le système social actuel conduit l'humanité à un désastre économique, écologique et militaire". Cela ouvre la porte idéologique et "théorique" au passage vers la position suivante : avant tout il faut freiner les "désastres" économiques, écologiques et militaires qui menacent l'humanité – ensuite, alors, nous poursuivrons avec la lutte de classes !

Bien sûr, finalement, l'article "revient" – non sans ambiguïtés – au "particulier" : la nécessité d'une "révolution mondiale des exploités contre les exploiteurs" (sans mentionner explicitement, pourtant, le prolétariat). Dans ce sens, voilà l'exemple même d'un un article opportuniste ; pas encore ouvertement bourgeois parce qu'il amalgame deux visions de classes différentes. Mais la porte s'ouvre toujours plus à l'idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise.

4. Enfin, cet article - au moins sur le site Internet - se trouve complété d'une illustration graphique composée à la base d'une peinture de G. Doré représentant "la mort" chevauchant le monde. Le CCI reprend la reproduction de cette œuvre à laquelle un "éminent artiste" a apporté une modification : un personnage assis devant "la mort", symbolisant la "vie" brandit… le sigle du "Live 8". (1).

"Une image dit plus que milles paroles" dit-on. Cette image, en effet, résume parfaitement l'article. Le fondamental, ici, n'est pas la lutte bourgeoisie-prolétariat, la contradiction capital-travail salarié mais la dichotomie, dans le goût de l'humanitarisme bourgeois et petit-bourgeois de "vie-mort" (et d'autres dichotomies qui vont dans le même sens de dévier la classe vers les intérêts bourgeois : paix-guerre, démocratie-fascisme, nature-désastre écologique, nations riches-nations pauvres).

L'ancien lecteur des publications du CCI connaît l'attachement de cette organisation à l'affiche de l'ouvrier rompant les chaînes de l'exploitation capitaliste qui entourent le monde, affiche qui a toujours servi (servait ?) de logo aux publications du CCI. On peut s'interroger sur "l'apparition" et la "disparition" mystérieuse de cette gravure (celle de "Live 8") parfaitement empreinte de mysticisme et qui plus est, retouchée dans une version encore plus mystique : le CCI hésiterait-il entre les deux logos ? Quoiqu'il en soit, dans l'image que reproduit ici le CCI, c'est la mort (et à travers elle un cortège d'horreurs) qui chevauche le monde : c'est la Décomposition. Même "La Vie" (le personnage brandissant le sigle du "Live 8") n'apparaît pas "luttant" mais, au contraire, elle chevauche, elle est emportée ingénument sur le cheval de la mort elle-même, c'est celle-ci qui finalement prédomine…

Nous avons déjà montré comment la théorie de la décomposition se rapproche de celle du précipice. À son tour, l'état d'esprit des militants du CCI actuel paraît se rapprocher dangereusement de celui des sectes qui prévoient la fin du monde, l'Apocalypse, etc. C'est cet état d'esprit défaitiste et destructeur du point de vue communiste que le liquidationnisme du CCI actuel veut maintenant propager et imposer à l'ensemble des forces du camp prolétarien.

Juillet 2005


Notes:

1 Si nous donnons tant de détails, c'est que cette reproduction made in CCI a brusquement disparu après un mois "d'exposition" sur le site Internet (section WR) sans plus d'explication. Nous n'en chercherons d'ailleurs pas. Faisons simplement remarquer, au passage, que, quelque peu interloqué par cette subite "apparition" faisant plus référence à la foi chrétienne qu'à l'œuvre de G. Doré, un de nos lecteurs a fouillé les sites Internet afin de voir d'où pouvait bien être extraite cette gravure. Internaute par loisir, il n'a trouvé que deux sites : l'un qui fait de la propagande pour le "nouveau testament", le "futurisme" et parle abondamment d'"Apocalypse" ; l'autre qui parle "révélation" et "Bible". Pour le lecteur qui serait intéressé nous conservons trace de ces sites et avons gardé une copie de l'ancienne page Web du CCI concernant cette reproduction.

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